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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(57) SEC ... une vieille histoire ? (1)
 
À croire que le réchauffement climatique ne date pas d’hier, il y a nettement plus de mots basques pour traduire “sec” que pour traduire “humide” ! … et curieusement, plusieurs d’entre eux ont quelque chose à voir avec leurs correspondants indo-européens. Deux articles seront-ils suffisants pour tenter ... d'assécher le sujet ?
 
Deux radicaux signifiant (aussi) sec !
Il en est un que nous avons déjà évoqué dans l’article N° 32, où nous avons rapproché le radical basque /G(H)OR/KOR/ lié au qualificatif "dur, sec, dressé" [1] et le radical grec χήρ- [khḗr] s’intégrant dans des termes en rapport avec "pierre, dur, sec" [2] comme dans χερσος [khersos] "sec, dur, stérile, terre ferme" …
Mais de manière incidente, notons que le célèbre helléniste Pierre CHANTRAINE, rattache le radical χήρ- [khḗr] à une racine indo-européenne reconstituée *gher(s) signifiant “se raidir, se hérisser” en rapport avec le terme ἐχῖνος [ekhĩnos] “hérisson” ... alors que le nom basque biscayen du même animal est KIRIKIÑO ! Il existe beaucoup d'espèces de hérissons dont certains évoluent en environnement désertique ... est-ce le lien avec le propos de cet article ? ... auquel nous revenons maintenant.
 
De terre desséchée à feu, il n'y a qu'une étincelle ...
Dans la lignée du radical basque /G(H)OR/, nous avons notamment LEGOR “sec, sans humidité” qui a pour synonyme ES̄AR/EXAR “sec” [2] ; or, ce dernier terme a lui aussi un curieux air de famille avec l’expression grecque ἡ ξηρά [hē xērá] “terre desséchée” dont le deuxième terme est apparenté à ξηρός [xērós] “desséché, sec” [3] et ἄξα [áxa] “sécheresse” !

D’ailleurs ce rapprochement fait écho à celui que nous avions évoqué du vocabulaire basque (H)ISIA "passion, fureur", ESETU "brûler", IXE/IXA "brûler" et ISA "griller" avec le vocabulaire indo-européen dont l'exemple le plus significatif était le vieil islandais ysia "feu". [article N° 37 à propos de « colère »]
 
Mais en s’arrêtant aux seuls termes grecs de la même famille ἄξα [áxa] “sécheresse”, ἄξομαι [áxomai] “être desséché, se dessécher” et ἄξη [áxē] « interprété [selon CHANTRAINE] comme "rouille" », on perçoit les mêmes deux premiers caractères ἄξ- [áx-] qu'il est tentant de rapprocher des formes basques /ASA-/ESE-/ISI-/ avec le sens de "feu" [4].
/GOR/KOR/
en rapport avec
"dur, sec, dressé"



ES̄AR/EXAR
“sec”


Radicaux
/ASA-/ESE-/ISI-/
sens de "feu, brûlé ..."


(biscayen) KIRIKIÑO
“hérisson”
χήρ- [khḗr]
en rapport avec
"pierre, dur, sec"



ἡ ξηρά [hē xērá]
“terre desséchée”


ἄξα [áxa]
ἄξομαι [áxomai]
“sécheresse”, “desséché”


ἐχῖνος [ekhĩnos]
“hérisson”
Pays basque
 
Grèce antique
 
Eñaut ETCHAMENDY va encore plus loin en élargissant la parenté de ces formes (/ASA/...) aux morphèmes (plus petite unité de sens) AR et GAR porteurs également du sens "feu, brûler" ; à l’appui de cette assertion, plusieurs remarques :
- les lettres /s/ et /r/ sont parfois interchangeables en basque [5].
- AR- et GAR- apparaissent dans plusieurs mots du lexique basque avec des sens en rapport avec "sec/feu" ; nous l’avons déjà vu avec ARGI "lumière" qui pourrait avoir signifié à l'origine "qui fait du feu" [voir article N° 5] ; IGARTU/EIHARTU "sécher, dessécher", EGARRI "assoiffé" littéralement "enflammé" (employé également en parlant de passion) … A cet égard, notons que EZ EGARRI "non assoiffé" peut prendre la forme dialectale contractée ZEGARRI que l’on peut rapprocher du latin sobrius "sobre" ( sē ebrius ?).
- Les mêmes morphèmes se retrouvent dans le lexique indo-européen avec des sens voisins comme en tokharien A ᾱsar “sec” et en latin arēre “être sec” …
 
En résumé ...
Encore une fois, de la comparaison euskara/indo-européen, décriée par certains, ont jailli des similitudes troublantes des termes exprimant sec/desséché/sécheresse ... et nous verrons dans notre prochain article que la source n'est pas prête d'être tarie !
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) : (LEGOR/LEIHOR (adjectif) “sec, sans humidité”, “sec sans autre chose (pain)” … ; KISKOR “desséché, durci, recroquevillé par la chaleur” … ; ELK(H)OR “dur, sec (pain), terrain desséché …”
[2] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905)
[3] De manière anecdotique, c'est l'origine du nom du fabricant bien connue de matériel reprographique XEROX utilisant de l'encre en poudre sèche, le "toner".
[4] /ASA-/ dans ASUN "ortie" littéralement "ayant du feu" ; /ESE-/ dans ESETU "brûler" ; /ISI-/dans ISIO "allumer" et ISIOKI "inflammable" …
[5] Interchangeabilité de /r/ et /s/ : ESE/ERRE “brûler, griller”, ESAN/ERRAN "dire", BOST/BORZ “cinq”, OST/ORTZ “ciel” …
 
"Sec"
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