Si un moteur de recherche n'a sélectionné que cette page coupée du reste du site BASCORAMA, cliquez sur le bouton
(58) SEC ... une vieille histoire ? (2)
 
Poursuivons la comparaison des lexiques basque et indo-européens (et notamment grec antique) ayant un rapport avec la “sécheresse”. Dans l'article précédent, nous avons vu qu'un certain nombre de termes du même champ lexical avaient un lien avec “feu, bruler, griller ...”. Les similitudes que nous signalons ici, bien que plus hétérogènes, sont toutes aussi édifiantes.
 
Même construction ...
Pierre CHANTRAINE a estimé que l’étymologie du terme grec déjà cité ξηρός [xērós] “desséché, sec”, était « obscure » ! Peut-être aurait-il été éclairé par l'analyse que nous faisons de cet autre terme pour désigner la “sécheresse” ξηρότης [xērótēs], qui appelle de notre part deux observations :
- En premier lieu, la parenté possible du terme avec le basque TS̄ORROTU/TXORROTU “(se) sécher (en parlant les feuilles de maïs)” [1] auquel E. ETCHAMENDY donne le sens plus large de “grenier, séchoir à grain de moulin” ;
- Ensuite et surtout, le mode de fabrication du substantif sécheresse à partir de l’adjectif sec … quasi identique en grec et en basque :
. ξηρός [xērós] ξηρότης [xērótes] en grec et …
. ES̄AR “sec” ES̄ARTE “sécheresse” comme IDOR, autre terme basque pour traduire “sec, aride”, donne IDORTE “sécheresse”.
 
D’ailleurs, n’y-a-t-il pas également un petit air de famille entre IDORTE et ξηρότης [xērótēs], qui ont rigoureusement la même signification ?
 
Mais la comparaison ne s'arrête pas là ...
Le basque a ZAHO/XAHO pour désigner “l’herbe séchée sur pied”. Or le grec attique (d’Athènes) a σᾱυος [sāuos] “sec” en parlant de bois, de peaux de bœufs desséchées et, dixit Pierre CHANTRAINE, le terme a un ascendant homérique (800 ans avant notre ère) αὗος [aϝũos] de sens voisin !
Et à propos de ce même αὗος [aϝũos], CHANTRAINE évoque un autre terme apparenté σαυκόν [saukón] tous deux issus d’une racine indo-européenne reconstituées sauso- … ce qui nous ramène à ZAHO, mais nous avons en basque cet autre terme signifiant encore “sec, aride” XUK(H)U/ S̄UKU/ XUKHO/ XUKO/ ZUKO [2] … plus proche de σαυκόν [saukón] !
 
Par ailleurs, OSKOL dont l’un des sens cité par AZKUE est “rabougri, recroquevillé, sec” (dit à propos de végétaux) ne peut-il pas être comparé au grec σκλέλλομαι [skléllomai] “se dessécher” surtout lorsque l'on apprend que les linguistes le font dériver de la racine /sklē/ !
Eñaut ETCHAMENDY a d'autres hypothèses sur l'origine du terme qui signifie aussi, plus couramment, “enveloppe” : voir en [3] la démonstration qui nous ramène une fois de plus au grec antique !
 
Enfin, signalons le grec ταρςός [tarsós] “claie”, panier ou plateau d'osier pour faire sécher notamment des fromages” que l’on peut rapprocher du basque ZORTZE/ZORZE “planche de fromager” [Dictionnaire de P. LHANDE].
 
Détournement malicieux d'un vrai paysage désertique (oasis de Palmyre) où l'on fait émerger
d'authentiques ruines grecques ... et une maison basque !
(construction du substantif)
ES̄AR “sec”

ES̄ARTE “sécheresse”
TXORROTU
“(se)sécher”
-----------
ZAHO/XAHO
“herbe séchée sur pied” 

-----------
XUKO/ZUKO
 “sec, aride”
-----------
OSKOL
“rabougri, sec”
“enveloppe [peau]”
(construction du substantif)
ξηρός [xērós]
“desséché, sec”

ξηρότης [xērótes]
“sécheresse”
-----------
σᾱυος [sāuos]
“sec” en parlant de
bois, de peaux ...
-----------
σαυκόν [saukón]
“sec”
-----------
σκλέλλομαι [skléllomai]
“se dessécher”
σκύλος [skúlos] “peau”
Pays basque
Grèce antique
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905)
[2] Multiple représentation du même terme : (Azkue) S̄UKU ; (Lhande) XUK(H)U/XUKHO ; (Charriton) XUKO ; (Etchamendy) ZUKO …
[3] Parmi les autres hypothèses envisagées par E. ETCHAMENDY pour expliquer l'origine de OSKOL, il en est d'autres qui partent de cette autre signification plus courante d'OSKOL “enveloppe” (coquille, cupule de gland, spathe de maïs, écorce ...). L'une d'elles pourrait être le résultat de la combinaison de /*OS-/ + /KOL/ ; le radical /*OS-/ signifiant “arrière, derrière” comme dans OSTERA “après, ensuite” à comparer au grec ὕστερα [ϝ/hústera] “ensuite” et /KOL/ n'étant qu'un avatar de la fameuse racine indo-européenne /*who / el-/ avec le sens de "tourner, retourner" et ici l'idée de "retrousser", c’est-à-dire “enlever la peau” comme on le fait d’un gant et encore du lapin ... à comparer au grec σκύλος [skúlos] “peau” !
 
Article précédent "Sec"