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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(32) « Pierre » … angulaire
des outils (pré- ou indo-) européens !
 
Dès que l'on parle outils en basque, c'est sur le terme (H)AI(T)Z "pierre" qu'on achoppe … ce qui est cocasse, puisque achopper dériverait de l'anglais chopper "couperet" qui désigne aujourd'hui en français cet outil très frustre obtenu par l'éclatement d'une seule face d'un galet … de silex par exemple [1] ! C'est que tous les experts s'accordent pour considérer que la langue basque remonte à l'âge de pierre [2]. Il n'est donc pas étonnant que persistent encore aujourd'hui le radical (H)AI(T)Z- (réduit souvent à AIZ-, parfois à AZ- et même à Z-) pour désigner nombre d'outils contondants, tels que : AI(T)ZUR "pioche", AIZTO "couteau", AIZKOR "hache", AIZ(T)UR "ciseau", AI(Z)HOZ "serpe", ORAZ "aiguille" …
 
Pour mémoire, ce radical (H)AI(T)Z- a déjà été évoqué dès l'article N° 3 relatif à la Terre ; on y soulignait la similitude étonnante des formes que prend la traduction du mot "caverne", en grec σπέεος [spéos] et en basque AIZPE (pour le basque, littéralement, "au-dessous de la roche ou de la pierre") ! Mais, en analysant de plus près les observations de linguistes célèbres et, en comparant tout simplement les mots de l'aire indo-européenne, on perçoit bien d'autres parentés.
 
Dans le mot AI(T)ZUR "pioche, bêche, houe", le second terme « -UR » n'est qu'un avatar du fameux radical tournant indo-européen abordé dans l'article N° 8 (« Ça tourne ! ») [3]. Ainsi, AI(T)ZUR signifierait "pierre à lame d'instrument [4] [qui] retourne ... [la terre]".

AIZTO "couteau" pourrait être un diminutif de AIZ [5] et pourrait signifier "petite pierre" … à rapprocher peut-être de l'anglais stone.
 
Pierre = Dur/Sec ?
Dans notre article N° 22 (Vous avez dit BIZAR ? bizarre !), nous avons justifié, par le sens, le rapprochement de mots basques traduisant "aiguisé, tranchant" et commençant par ZARRA/ ZERRA/ Z- d'avec des mots grecs comportant le radical χαρά- [khará-] qu'on a pu rapprocher de HARRI/ K(H)ARRI "pierre" [6].

Or ce radical -KAR/-GAR que l'on retrouve dans UGAR/LEGAR "gravier" est rapproché par Eñaut ETCHAMENDY du radical -GOR/-KOR à la base de GOGOR "dur, sec", ainsi que du grec χήρ- [khḗr-] [7]. Indice supplémentaire de la pertinence du rapprochement, le sanskrit khára, kharâ "dense, solide, dur, rude, rugueux, …" que le maintes fois nommé Pierre CHANTRAINE rapproche du grec κράτος [krátos] "dureté" ! En quelque sorte, "pierre" et "dur, sec" se confondraient ! … et ce n'est pas étonnant dans des langues archaïques : rappelons la performance d'une célèbre femelle gorille (Koko), âgée aujourd'hui (en 2016) de 44 ans, à laquelle des scientifiques (et surtout l'éthologue Penny Patterson) a appris le langage des signes des sourds-muets. Koko est capable de créativité pour décrire avec son vocabulaire (fort de près de 2000 signes !) des situations nouvelles. Ainsi, a-t-elle désigné un biscuit sec rassis « gâteau caillou » ! … Ne pensez-vous pas que Koko puisse marcher dans les pas d'hommes préhistoriques très archaïques ? ou, au minimum, n'est-ce pas une preuve supplémentaire de la pertinence du rapprochement de "pierre" et de "dur/sec" ?
 

Radical K(H)AR "pierre"
(pré ?) indo-européen
très présent dans la
toponymie européenne [8]

 
pierre = dur / sec

radicaux basques

/GAR/KAR/
en rapport avec
"pierre"


/GOR/KOR/
en rapport avec
"dur, sec"
 
 
Sanskrit
khára, kharâ
"solide, dur..."
 
 
radical grec
χήρ- [khḗr]
en rapport avec
"pierre, dur, sec"
 
Si l'on revient maintenant à AIZKOR "hache", le terme serait constitué de deux radicaux ayant des significations voisines AIZ "pierre" et KOR "dur".
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
[1] Petit Larousse
[2] La langue basque est, selon la plupart des experts, probablement la plus ancienne du continent européen. Certains la font remonter au minimum au néolithique [-6500 à -4000], mais d'autres la font même apparaître au paléolithique supérieur [-40000 à -12000], toutes périodes faisant encore partie de l'âge de pierre.
[3] Ce radical « tournant » pouvait notamment prendre la forme /OL/UL/ et l'on rappelle que l'alternance /l/r/ est régulière en basque : ETXERAT=ETXELAT "vers la maison", ERHO = ELHO "imbécile", HOLLI = HORI "jaune", ELK(H)OR = ERK(H)OR "sourd" …
[4] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) [définition donnée de AIZ] : 1° rocher - 2° silex, pierre à lame d'instrument [cf vieux français aissade, bêche (?)]
[5] Suffixe-diminutif susceptible de prendre différentes formes (polymorphe) : /-TO/-TXO/-TSO/
[6] Notons à propos de cette autre dénomination de la pierre cet outil KARRAKARI "racloir" (mais aussi "graveur") et le verbe correspondant KARRASKATU "craquer", "sarcler", "ronger, gratter, râper, racler …"
[7] Le U de UGAR est mis pour UR "eau", donc UGAR = "gravier de rivière" ; en revanche LEGAR concerne très probablement le "gravier de terre ferme" (E. Etchamendy parle de "gravier de terrasse de montagne"), compte tenu de cet autre terme (répertorié par Pierre LHANDE) LEGOR auquel sont données 2 significations : 1) Lieux graveleux [variation de LEGAR] et 2) terre ferme, sec/sans humidité … [variation de LEIHOR]. Le rapprochement avec le grec χήρ- [khḗr-] est, par ailleurs, justifié par les mots χαράδρα [kharádra] "ravin pierreux", χέραδος [khérados] "galets, gravier", χερμάς [khermás] "pierre, pierre à fronde" et χερσος [khersos] "sec, dur, stérile, terre ferme". A noter de façon incidente le terme arabe dialectal marocain (phonétiquement) kəṛkōṛ "tas de pierres" (pluriel : kṛākəṛ) !!!
[8] Wikipédia / Racine K(H)AR (qui signifie 'pierre') jouerait un rôle important dans la toponymie européenne. ... [on la] retrouve non seulement dans des noms de hauteurs et de cités mais également dans de nombreux noms de rivière. Exemple basque : K(H)ARRIKA "rue, chemin bordé de murs en pierres sèches".
 
Article suivant consacré aux outils (pierre 2)