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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(33) Une analyse pointue !
 
Dans l'aire indo-européenne, la racine très répandue /*ak/ exprime l'idée de "pointe". On la retrouve dans nombre de termes grecs, nous y revenons plus bas, et même en français comme dans acupuncture, acéré, acide ou acuité.
 
Mais voilà que deux hellénistes distingués, Pierre CHANTRAINE et Émile BENVENISTE évoquent, sans le confirmer, le sens de pierre donné par d'autres linguistes indo-européanistes à la racine /*ak/ ! Eh bien, nous allons oser apporter, via euskara, un début de crédibilité à cette thèse ! [1]
 
Une nouvelle pierre dans leur jardin …
… nous parlons bien sûr du jardin des hellénistes, dont on rappelle qu'il se nomme παράδεισος [parádeisos] que nous avions déjà rapproché du basque BARATZE [voir article N° 16] ! Mais revenons à notre sujet avec une pointe … de malice.
En regard du terme grec ἄκων [ákōn] "pointe de flèche, javelot", citons le basque AKAUN/AUKON "dard, javeline" [2]. Dans l'un et l'autre des termes, de sens voisins, on voit bien pointer le radical AK. Mais, ce qui atteste de leur lien avec la "pierre" ce sont les deux termes du sanskrit aśáni "pointe de flèche" et aśán "pierre" dans chacun desquels on perçoit en filigrane le radical basque A(I)Z ! Par ailleurs, nous avons cet autre terme basque EZTEN "dard, aiguillon" qui pourrait dériver de /AIZTO/ "couteau" + /EN/ "(cas possessif) du" = "du couteau" …

Autre outil basque pointu : AKULU "aiguillon", sous différentes orthographes selon les dictionnaires [3], mais présentant toujours le radical indo-européen AK-. En est issu le verbe AKULATU "piquer de l'aiguillon" ou (pour) "pousser (le bétail) devant soi".

Nous avons par ailleurs le basque ISTO "flèche", derrière lequel nous devinons la racine AITZ "pierre", que nous suggérons de rapprocher du grec ὀίστός [oístós] "trait, flèche".

 
Autre outil en pointe ……
… à l'âge de pierre déjà, le "harpon", (H)ARPAN en basque, que l'on a tendance à rapprocher du latin harpē "faucille" … et là, les tenants de l'emprunt se déchaînent : « encore un emprunt du basque aux langues avoisinantes ! ». Mais faisant remarquer que (H)ARPAN c'est aussi une "grande scie à deux manches", Eñaut ETCHAMENDY se demande « comment [concilier] la réunion d'outils aussi différents sous un même [vocable] ? ». Et, à cette question, il apporte une réponse suggérée par deux historiens, spécialistes du moyen-âge [4] : la technique de la scie dériverait de celle de
« faucilles composites [du haut] néolithique », c.-à-d. comprenant des fragments de pierres …

D'où l'hypothétique et néanmoins vraisemblable étymologie de (H)ARPAN : /HAR-/ "pierre" + /APAIN/ "disposer, orner" !
 
  (H)ARPAN               ?
"harpon, scie à deux manches"

latin
harpē "faucille"

grec
ἅρπη [w/hárpē] "faux, faucille"
/HAR-/ "pierre" + /APAIN/ "disposer, orner"
 
En résumé ...
En premier lieu, la racine authentiquement indo-européenne /*ak/ exprimant l'idée de "pointe" est indiscutablement présente dans des mots basques pointus. En second lieu, la pierre en n'est jamais très loin … ce qui nous ramène à l'âge du même nom.
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
[1] Termes grecs cités par Pierre CHANTRAINE où apparaît l'idée de pointe : " ἀκή [ákí], ἀκίς [akís] "toutes sortes de pointes : aiguille, javelot …", ἄκαινα [ákaina] "pointe, aiguillon", ἀκμή [ákmḗ] "pointe", ἄκανος [ákanos] "épine", ἀκρός [ákrós] "pointu". À noter également pour ἄκμων la précision suivante du célèbre helléniste : « le mot doit être originellement un nom de la pierre ».
[2] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905) qui se réfère au Codex Calixtinus, manuscrit du 12ème siècle conservé un temps à la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, encore appelé Livre de Saint-Jacques. On n'y trouve également AKAN "grande tique" dont on imaginer sans peine le lien avec piqûre.
[3] Différentes orthographes selon les dictionnaires : AKULU/AKÜLÜ (azkue) ; AKULU (Lafitte) ; AK(H)ILU/AKILO/AKHÜLÜ (Lhande) : AKUILU (Charritton)
[4] Georges DUBY (1919-1996) et Armand Wallon « Histoire de la France rurale / I-141 » (4 volumes / 1975-1977).
 
 
Article précédent consacré aux outils (pierre1)