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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(16) Environnement végétal
 
Lorsque le « chasseur-cueilleur » du paléolithique supérieur se mua en « agriculteur-éleveur », le maître-mot fut « semer », EREIN en basque et … σπείρέιν [speírein] en grec ancien ! Curieux, n'est-ce pas ?
 
A propos de semence, le fameux « jardin d'Éden », où Ève croqua la pomme, est désigné par παράδεισος [parádeisos] en grec ancien … dont la signification n'est pas seulement "paradis", mais plus prosaïquement "jardin", BARATZE en basque … similitude certaine avec le terme grec si l'on se rappelle [1] que les b et p sont souvent interchangeables en euskara ! Encore une coïncidence ? [2]
 
De quel bois ? ...
Pierre Chantraine, célèbre helléniste mainte fois cité [3], signale que le grec δόρυ [dóru] pour "arbre, tronc d'arbre, bois, planche ..." a remplacé le terme plus ancien ἔγχος [enkhos] "javeline", sans étymologie selon lui. Mais, nous avons en basque UNKHU "souche, tronc d'arbre" [4] !
 
Pour désigner la matière ligneuse du "bois", nous avons le mot basque ZUR/ZUL, qu'on peut rapprocher de nombreux termes indo-européens qui ont un rapport avec le bois : grec ξύλον [xulon] "bois à brûler, de construction, morceau de bois, bâton, …", russe šúlo "pieu", vieux haut allemand sûl "poteau"…
 
Par ailleurs, l'une des dénominations basques de l'arbre en général est ZUHATZ, contraction de ZUR "bois" et de HATZ dont le sens premier a dû être "extrémité" ; mais quand partie ou totalité de ce dernier terme apparaît dans la désignation des essences d'arbres, arbustes et autres plantes, il doit être analysé comme "pied de" [4] : SAGARTZE "pommier", ARANTZ "prunier"… IR(I)ATZ "fougère" , OT(H)ATZ "ajonc"… Or, pour Pierre Chantraine, pā́t(s) serait le terme sanskrit pour "pied" avant qu'il ne perde le « /s/ final ». Si l'on rappelle que ce dernier terme est à l'origine des mots de même sens en grec πους [poús] et latin pēs, il vous appartient de juger si la filiation des termes sanskrit et basque n'apparaît pas tout aussi (sinon plus) évidente !
 
     

ESPARTIN
"espadrille, sandale"
 
       
σπάρτινος [spartinos]
"fait de joncier"
 
 
σπάρτη
[spártē]
"corde"
     
Détournement malicieux de l'œuvre du célèbre graveur Charles Laplante (1866)
imaginant le futur Alexandre le Grand et le philosophe Aristote ... qui en fut le précepteur.
 
Pour rompre avec le caractère un peu austère de cet article, signalons un végétal qui a beaucoup compté dans la tradition laborieuse du Pays basque et plus particulièrement de la Soule : le spart, cette plante dont les feuilles fibreuses et résistantes sont la matière première des cordes et semelles de nos fameuses espadrilles, ESPARTIN en basque, mais aussi "sandale en général". Eh bien, nous vous en suggérons le rapprochement avec le grec σπάρτινος [spartinos] "fait de σπάρτος [spártos] c.-à-d. de joncier" … sans qu'on puisse être accusé de tirer exagérément sur la "corde", σπάρτη [spártē] en grec ancien ! [5]
 

[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.

[1] /b/p/ 2 consonnes voisines souvent interchangeables en basque. Rappelons, pour mémoire, quelques exemples : Bake/Pake (paix), Besta/Pesta (fête), Biper/Piper (piment), Bipi/Pipi (mite), -bide/-pide comme dans Bizibide/Bizipide (métier), Bizkor/Pizkor (vigoureux) …

[2] A noter que dans l'environnement immédiat et plus lointain du Pays basque, les termes adoptés pour "jardin" sont issus d'une toute autre racine : du francique *gart ou *gardo qui a donné "jardín" en espagnol, "jardim" en portugais, "giardino" en italien ("gardinium" en latin), "garden" en anglais, "Garten" en allemand …
[3] CHANTRAINE Pierre [1899-1974] élève d'Antoine MEILLET et grand spécialiste du grec ancien, fut l'un des premiers français à s'intéresser au grec mycénien, la forme de grec la plus ancienne connue (parlée du 16ème eu 12ème siècle avant J.C.). Auteur de nombreux ouvrages dont : « La formation des noms en grec ancien » et « Dictionnaire Etymologique de la Langue Grecque, Histoires des mots » dont A. ETCHAMENDY applique au basque les méthodes comparatives employées pour le grec dans sa thèse [voir EUROSKARA].

[4] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) :
• UNKHÜ en Soule : "souche, tronc d'arbre"
• -ATZ, -hatz : Suffixe indiquant l'idée de trace de pied et par extension, pied …

[5] Le "joncier", encore appelé "spartier à tiges de jonc", est une espèce d'arbustes dont on a fait par le passé des toiles et des cordes. En basque, ESPARTZ "sorte de jonc" et ESPARTZU "corde de jonc".