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(56)
Sur la FORME ... et le fond !
(suite 2) |
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Dans nos deux précédents articles consacrés
au formes courbes, nous avons vu combien étaient nombreuses
les similitudes des lexiques basque et indo-européens et nous annoncions
une suite ... Allons donc droit au but ... celui de vous montrer
que, dans la même ligne, le phénomène ne faiblit
pas ... que la ligne soit plus ou moins droite ou carrément
tordue ! |
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Droit
au but … |
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En latin, de la même famille que rectus
“droit, à la manière de cette ligne qu'on trace”
et regula “instrument à
tracer la droite”, nous avons le terme rĕgo
“diriger, conduire, … régler, mettre sur le droit
chemin, …, tracer des bornes”. Le fameux linguiste Emile
BENVENISTE en a soigneusement étudié la relation avec
le grec ὀρέγω
[orégō] dont il serait issu et qui signifie “étendre
en ligne droite”. À son propos il écrit : « le
/o/ initial de gr[ec] peut-il se justifier
? Ce détail n'est pas insignifiant. Il intéresse la morphologie
[1] la plus ancienne de l'i.-e. ». Sans entrer dans les détails
de sa longue analyse, retenons-en quelques points saillants (sic «
entre guillemets ») : |
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1) Dans beaucoup de langues indo-européennes
(et notamment en grec, arménien et hittite), il n'y a pas de /r/
à l'initiale des mots. « Ces langues conserveraient l'état
ancien [de l’i.-e.]. » C’est curieusement le cas du basque
! |
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2) Si un emprunt contient un /r/
initial, on le fait précéder d’une voyelle « de
sorte que l'initiale [devient] /er/,
/ar/, /or/.
Il faut y insister ». C’est encore le cas du basque ! |
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3) ὀρέγω
[orégō] signifie « plus explicitement : “à
partir du point qu'on occupe, tirer vers l'avant une ligne droite”
ou bien “se porter en avant dans la direction d'une ligne droite”.
», ce qui, compte tenu du point de départ de notre réflexion
avec le latin rĕgo “diriger,
conduire”, nous autorise sans risque à rapprocher le terme
grec du basque AURREKO “celui qui va devant, guide” [2]
[3]. |
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À signaler par ailleurs cet autre terme basque ERKETZ
“recto : droit” qui pourrait avoir été emprunté
au latin rectus “droit”,
mais ce dernier est issu de rĕgo
dont nous venons précisément de rappeler la relation avec
le grec ὀρέγω
[orégō]… présentant lui-même une similitude
étonnante avec le basque AURREKO ! À noter le terme
grec apparenté ορθος
[orthos] utilisé en géométrie pour qualifier un “angle
(droit), une perpendiculaire”, mais qui a aussi pour signification
“debout, dressé” … transition idéale pour
aborder les lignes qui suivent … |
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Debout
... contre vents et marées ! |
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Vous l'aurez compris, les vents et marées, ce sont tous
ceux qui font obstacle à l'idée que le basque puisse avoir
quelque chose de commun avec les langues indo-européennes. À
ceux-là, nous disons qu'à force de remplir notre sac (voir
notre article N° 51 « SAKELAN
DA ») de la multitude des exemples raisonnables que nous donnons dans
nos articles, le sac finira par tenir de lui-même ... debout
! |
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Le basque ZUT “dressé, debout, droit, érigé,
juste”, “vertical”, “raide” entre dans la
composition d’un vaste champ de termes de sens voisins. Citons-en
quelques-uns : |
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- ZUTERA “posture debout, position
verticale” [4], littéralement “vers debout/vertical”
que l’on peut probablement rapprocher des grecs σταυρόω
[stauróō] “crucifier = mettre en croix”, σταυρός
[staurós] “pieu, croix” et du vieux scandinave (norrois)
staurr “pieu”. |
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- XUTIK/ZUTIK “debout, droit, dressé”
face au grec στόχος
[stókhos] qui aurait signifié à l’origine (selon
CHANTRAINE) “pilier, poteau” ; |
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- ZUTITU “se lever, se mettre sur pied,
… redresser ce qui est couché, tombé ou penché”
face à des formes conjuguées du verbe “(se) mettre/tenir
debout” en sanskrit ásthat
et tastháu, en avestique hištaiti
ou en vieux slave stati … Le célèbre
latiniste du début du siècle dernier Antoine MEILLET rattache
tous ces mots à la racine /*st(h)ā
/ “se tenir” que l’on perçoit dans le latin
statuo “ériger”
et l’anglo-saxon stehen et (to)
stand “se tenir debout” … |
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- ZUTABE “colonne” ( /ZUT/
+ /HABE/ “poutre”) et ZUTOIN (/ZUT/ + /(H)OIN/
"pied") à rapprocher peut-être des mots de la même
famille sanskrite stḥū́nā,
avestique stū́na et grecque
στυ̑λος
[stūlos] de même sens “colonne, pilier”. |
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Correspondances
pas si tordues que ça … |
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Le contraire de droit, c’est classiquement tordu
et le basque a plusieurs mots pour le traduire. L’un d’eux a
déjà été rencontré (en
l’article N° 21) OK(H)ER dont le sens premier
serait "borgne" mais qui a aussi la signification "tordu,
fautif, déséquilibré …". Or, nous avons
mis en évidence qu’il est constitué de OK + (H)ER,
ces deux radicaux étant typiquement indo-européens. |
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Mais, nous avons aussi le terme ZANKA/XANKA “tordu”,
“boiteux” qui renvoie à l’idée générale
de jambe, de membre articulé pliable, de tige, levier, béquille
… Comment donc ne pas le rapprocher de mots indo-européens
tels que grec σκἀζω
[skázō] “boiter”, danois shank
“boiteux” (en parlant de chevaux), proto-germanique (reconstitué)
shanka “boiter” …
D’ailleurs, issu probablement de ce même terme proto-germanique,
le vieux haut allemand a hinkan “boiter”
très proche du basque HINKI-HANKA “clopin-clopant, clopinant”
! |
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Sur fond de Basque
(toujours) debout s'attaquant à l'un des piliers indo-européens,
le Dieu grec Hephaistos (plus connu dans sa version latine Vulcain) qui
était boiteux mais pas manchot puisque patron des forgerons
et figure emblématique du feu, de la métallurgie et de l'ingénierie
mécanique. |
AURREKO
“celui qui va devant,
guide”
ZUTERA
“posture debout”
ZUTIK
“debout, droit, dressé”
ZUTABE “colonne”
ZANKA/XANKA
“tordu”, “boiteux”
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(latin)
rĕgo
“diriger, conduire”
ὀρέγω
[orégō]
“étendre en ligne droite”
σταυρόω
[stauróō]
“mettre en croix”
σταυρός
[staurós]
“pieu, croix”
στόχος
[stókhos]
“pilier, poteau”
στυ̑λος
[stūlos] “colonne”
σκἀζω [skázō]
“boiter”
(danois) shank
“boiteux”
(proto-germanique)
shanka “boiter” |
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Pays basque |
Grèce
antique, pays latin et germaniques |
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[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation
des termes grecs (en bleu) à
l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots
"en bleu italique" sont également
écrits à l'aide du même alphabet phonétique. |
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[1] Morphologie : Étude de la transformation des mots
en déclinaison et conjugaison. |
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[2] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion
Maria de AZKUE (1905) |
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[3] Nous avons déjà largement évoqué
le radical AUR- dans notre article
N° 19 mais, d'une façon plus générale, Eñaut
ETCHAMENDY le détecte dans beaucoup de mots basques qui ont des similitudes
avec le grec antique. Exemple typique : AURREKO, AURKO “guide,
chef, conducteur” et “d'avant” face à ἄρχειν
[arkhein] "commander", αρχω
[arkhō] marcher le premier et αρχαῖος
[arkhaῖos] qui se rapporte aux origines. |
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[4] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) |
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Article précédent |
"Formes" |
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