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SAKELAN DA ! … |
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… "c’est dans la poche" en basque … SAKELA signifiant poche" [1]. Mais nous pourrons l’affirmer seulement quand nous aurons réussi à convaincre les plus sceptiques d’entre vous que le basque est décidément bien proche de l’indo-européen ! Et, dans cette perspective, nous soulignons que SAKELA en est un bon exemple, qui a un lien manifeste avec le grec antique σάκκος [sákkos] signifiant ... "sac (fait d’étoffe grossière)". | |||
La main dans le sac ? | |||
Certains diront, bien sûr, que le latin est dans la même lignée avec saccus "pour désigner le "sac ! Mais, à ceux-là, nous répondrons que la main basque ne peut pas être soupçonnée de s’y être glissée, car le grec moderne a, entre autres termes, σακκου̃λα [sakkoũla] "bourse, poche" … encore plus proche (parent) du basque SAKOLA, variation de SAKELA signalée par Pierre LHANDE ! | |||
Nœuds de l’affaire … qui ne demandent qu’à être dénoués ! | |||
Mais, les similitudes ne s’arrêtent pas là. Avant de vider notre sac (de nœuds), commençons par le remplir : en basque SAKATU “bourrer, remplir, entasser …”. Et, pour accomplir le même geste, le grec ancien a le verbe σάττο [sátto] et le participe passé σακτός [saktós] “bourré, tassé”. | |||
Et, pour ce faire, il convient que le sac soit solide … en cuir par exemple. Or, nous avons en basque ZAGI [2] "peau de bouc, outre …", ZAHATO/ZAHAKO/XAHAKO “petite outre, gourde, peau de bouc” que nous n’avons aucune hésitation à rapprocher du terme grec σάκος [sákos] “bouclier de cuir” ; en effet, le célèbre helléniste Pierre CHANTRAINE écrit à son sujet que « le mot […] archaïque […] sort de l'usage rapidement ; il désigne en principe le grand bouclier mycénien [...] Probablement terme du fonds “achéen” [... qui] signifie originellement “peau” … ».[3] | |||
N’oublions pas, par ailleurs, que le solide sac de cuir a pour vocation de porter une charge, contenant et contenu qu’on emporte avec soi, autant de termes qui se rattachent en grec ancien à la même famille que CHANTRAINE analyse sous le vocable σάττω [sáttō] “bourrer, tasser, charger”, auquel pour mémoire se rattache σάκος [sákos] “bouclier de cuir” et dont dériveraient σαγή [sagḗ] “bagage, armure et (plus tard) bât”, σαγίς [sagís] “sac”, σάγμα [ságma] “bagage, bât ou selle” … Or, aux mots basques que nous avons déjà cités (ZAHATO, ZAHAKO, ZAGI), nous pouvons ajouter ZAMA "bagage, fardeau" [4]. | |||
Détournement
malicieux de l'œuvre de cet excellent illustrateur de la vie quotidienne
du Pays basque Jacques LE TANNEUR (d'après une aquarelle "Jour de marché" vers 1930) |
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En guise de conclusion ... | |||
Ne sont-ils pas surprenants ces transports récurrents de termes basques et grecs avec armes et bagages (c.-à-d. sens et sonorités) ? Ils révèlent petit à petit les secrets du fond du sac … que nous nous efforçons patiemment de décrypter ... dans l'espoir qu'un jour l'affaire soit dans le sac ! | |||
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | |||
[1] dans tous les dictionnaires de référence : AZKUE, LHANDE, LAFITTE et CHARRITON. | |||
[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) : ZAGI Variation de ZAHAGI -outre, peau de bouc pour liquide | |||
[3] Le fameux bouclier des antiques guerriers grecs aurait été désigné par le terme σάκος [sákos] avant de prendre le nom plus connu de ἀσπíς [aspís]. Parmi les plus anciens des peuples réputés indo-européens à avoir conquis la péninsule hellénique, les Achéens vers 1900 av. J.-C. | |||
[4] Une des définitions données par Pierre LHANDE à ZAMA, par ailleurs l’une des composantes de plusieurs termes ayant tous un rapport avec cette même notion de charge : ZAMAKA “par faisceaux, par paquets” et au figuré “en grande quantité” ; ZAMAKATU “former des charges” ; ZAMAKETARI “porte-faix”, moderne “docker” ; ZAMABIDE “chemin de transport” ; ZAMAKAI/ZAMARI “bête de somme” etc. | |||
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