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(51) SAKELAN DA ! …
 
"c’est dans la poche" en basque … SAKELA signifiant poche" [1]. Mais nous pourrons l’affirmer seulement quand nous aurons réussi à convaincre les plus sceptiques d’entre vous que le basque est décidément bien proche de l’indo-européen ! Et, dans cette perspective, nous soulignons que SAKELA en est un bon exemple, qui a un lien manifeste avec le grec antique σάκκος [sákkos] signifiant ... "sac (fait d’étoffe grossière)".
 
La main dans le sac ?
Certains diront, bien sûr, que le latin est dans la même lignée avec saccus "pour désigner le "sac ! Mais, à ceux-là, nous répondrons que la main basque ne peut pas être soupçonnée de s’y être glissée, car le grec moderne a, entre autres termes, σακκου̃λα [sakkoũla] "bourse, poche" … encore plus proche (parent) du basque SAKOLA, variation de SAKELA signalée par Pierre LHANDE !
 
Nœuds de l’affaire … qui ne demandent qu’à être dénoués !
Mais, les similitudes ne s’arrêtent pas là. Avant de vider notre sac (de nœuds), commençons par le remplir : en basque SAKATU “bourrer, remplir, entasser …”. Et, pour accomplir le même geste, le grec ancien a le verbe σάττο [sátto] et le participe passé σακτός [saktós] “bourré, tassé”.
 
Et, pour ce faire, il convient que le sac soit solide … en cuir par exemple. Or, nous avons en basque ZAGI [2] "peau de bouc, outre …", ZAHATO/ZAHAKO/XAHAKO “petite outre, gourde, peau de bouc” que nous n’avons aucune hésitation à rapprocher du terme grec σάκος [sákos] “bouclier de cuir” ; en effet, le célèbre helléniste Pierre CHANTRAINE écrit à son sujet que « le mot […] archaïque […] sort de l'usage rapidement ; il désigne en principe le grand bouclier mycénien [...] Probablement terme du fonds “achéen” [... qui] signifie originellement “peau” … ».[3]
 
N’oublions pas, par ailleurs, que le solide sac de cuir a pour vocation de porter une charge, contenant et contenu qu’on emporte avec soi, autant de termes qui se rattachent en grec ancien à la même famille que CHANTRAINE analyse sous le vocable σάττω [sáttō] “bourrer, tasser, charger”, auquel pour mémoire se rattache σάκος [sákos] “bouclier de cuir” et dont dériveraient σαγή [sagḗ] “bagage, armure et (plus tard) bât”, σαγίς [sagís] “sac”, σάγμα [ságma] “bagage, bât ou selle” … Or, aux mots basques que nous avons déjà cités (ZAHATO, ZAHAKO, ZAGI), nous pouvons ajouter ZAMA "bagage, fardeau" [4].
 
Détournement malicieux de l'œuvre de cet excellent illustrateur de la vie quotidienne du Pays basque
Jacques LE TANNEUR (d'après une aquarelle "Jour de marché" vers 1930)
SAKELA
SAKOLA
"poche"

SAKATU
“bourrer, entasser”

ZAHAKO

ZAHATO “gourde,
peau de bouc”

ZAGI
“peau de bouc"

ZAMA "bagage, fardeau"
 
σάκκος [sákkos]
σακκου̃λα [sakkoũla]
"sac"

σακτός [saktós]
“bourré, tassé”

σάκος [sákos]
“bouclier de cuir”
σάττω [sáttō] “bourrer, tasser, charger”

σαγίς [sagís] “sac”
σαγή [sagḗ] “bagage

σάγμα [ságma]
“bagage, bât ou selle”
Pays basque
Grèce antique et moderne
 
En guise de conclusion ...
Ne sont-ils pas surprenants ces transports récurrents de termes basques et grecs avec armes et bagages (c.-à-d. sens et sonorités) ? Ils révèlent petit à petit les secrets du fond du sac … que nous nous efforçons patiemment de décrypter ... dans l'espoir qu'un jour l'affaire soit dans le sac !
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] dans tous les dictionnaires de référence : AZKUE, LHANDE, LAFITTE et CHARRITON.
[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) : ZAGI Variation de ZAHAGI -outre, peau de bouc pour liquide
[3] Le fameux bouclier des antiques guerriers grecs aurait été désigné par le terme σάκος [sákos] avant de prendre le nom plus connu de ἀσπíς [aspís]. Parmi les plus anciens des peuples réputés indo-européens à avoir conquis la péninsule hellénique, les Achéens vers 1900 av. J.-C.
[4] Une des définitions données par Pierre LHANDE à ZAMA, par ailleurs l’une des composantes de plusieurs termes ayant tous un rapport avec cette même notion de charge : ZAMAKA “par faisceaux, par paquets” et au figuré “en grande quantité” ; ZAMAKATU “former des charges” ; ZAMAKETARI “porte-faix”, moderne “docker” ; ZAMABIDE “chemin de transport” ; ZAMAKAI/ZAMARI “bête de somme” etc.