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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(52) Actes et paroles … similaires !
 
Coups, heurs/heurter, battre, rouer de coups, tuer … autant de brutalités qu’on a dû connaître aussi bien sous l’empire des antiques indo-européens que des premiers euskariens mais peut-être pas seulement dans les actes … dans les paroles aussi … et dans les (mêmes) mots blessants qu’elles véhiculent !
 
Choc sous la toile
Nous en avons eu un petit aperçu avec les mots de la famille basque EHO/EHAI-/ élargie à /(HE)AINDU/EBAINDU [voir Article N° 50] dont nous avons révélé le probable lien avec la racine indo-européenne /*webh-/ *ubh-/ associée à « tisser/tissage/toile ».

Rappelons les autres sens de quelques-uns de ces mots en rapport avec le propos « brutal » de cet article : EHO "rouer/rosser, tuer" ; EHOLE/EHAILE : "assassin" ; EHAILI "rouer de coups, battre à mort" [1] ; EBAINDU "briser, mettre en pièce, estropier …".
Selon Eñaut ETCHAMENDY, le terme HIL, plus connu dans le basque moderne, signifiant "tuer, assassiner" mais aussi "mourir, mort", fait probablement partie de la même famille ; il pourrait dériver de EHAIL- et être rapproché de l’anglo-saxon (to) kill "tuer".
 
À coups de poing
Mais nous avons en basque un autre mot pour "abattre, tuer … d’un coup sec à la tête (un serpent par exemple)", c’est le verbe KALITU dont l’analyse effectuée par E. ETCHAMENDY le fait dériver de UKALDI “coup de poing” [ /UK/ “main, poing” + /ALDI/ “tour”].
Or, nous avons vu dans l’article N° 10 que le radical /UK-/ (équivalent de ESKU “main”) apparaissait dans UKAN "avoir [à l’origine dans la main]" et pouvait être rapproché du grec ἴσχω [iskhō] "avoir, tenir". Quant à la seconde composante ALDI “tour, fois, par contre”, elle fait partie du vocabulaire basque ayant intégré la racine indo-européenne « tournante » que nous avons synthétisée par l’expression /W(h) o/e L-/ [voir article N° 8 et le renvoi ci-dessous [2]).
Par ailleurs, on notera que KALITU a un air de famille avec le lituanien kalù, kalti “forger, marteler”, hasard ou relation de cause à effet ? [3]
 
Frapper n'est pas jouer !
Dans les différents jeux de pelote du Pays basque, le joueur engage la balle en s’écriant « JO ? » au sens "engager, lancer" du verbe, mais parmi ses multiples autres significations il y a "frapper, battre". Et dans sa parenté immédiate, JOKA “frapper, jouer, envoyer” et JOKATU “battre, frapper, lancer” ne peuvent-ils pas être rapprochés de l’une des formes que peut prendre le grec ἵημι [ϝíēmi] “envoyer, émettre” : ἕωκα [heōka] ?
 
Dans le même ordre d’idée, citons d’autres rapprochements possibles :
- En face de TANKA “coup, heurt, choc” et TANKATU “heurter”, nous avons le grec τυγχάνω (tunkhánō) “atteindre, toucher, rencontrer” ;
- ZAPLAZTU “gifler” n’aurait-il pas une relation avec le grec πλήσσω (plḗssō) “frapper, donner un coup …” sachant que le préfixe ZA a simple valeur de superlatif ? [voir Article N° 49 Préfixation] ;
- En face de TUINAKO “bousculade, bourrade”, nous avons le grec θνω (thū́no) “secouer” ainsi que le sanskrit dhunóti “secouer, agiter, ébranler” …
 
Détournement malicieux de l'œuvre de Giovanni Bologna (1529-1608)
tirée de la mythologie grecque et représentant Hercule terrassant le centaure
HIL
"tuer, assassiner,
mourir, mort"

KALITU
“abattre, tuer … d’un
coup sec à la tête”

JOKA, JOKATU
“jouer, frapper,
envoyer, lancer ...”

TANKA “coup, choc”
TANKATU “heurter”


ZAPLAZTU “gifler”

TUINAKO
“bousculade, bourrade”
 
(anglo-saxon)
(to) kill

"tuer"

(lituanien)
kalù, kalti

“forger, marteler”

ἕωκα [heōka]
du verbe ἵημι [ϝíēmi] “envoyer, émettre”

τυγχάνω (tunkhánō) “atteindre, toucher, rencontrer”

πλήσσω (plḗssō)
“frapper, donner un coup”

θνω [thū́no]
“secouer”
Basque
Grec antique et autres langues i.-e.
 
En guise de conclusion ...
Nous serions frappés d’apprendre que toutes ces similitudes de forme et de fond ne sont que pures
« coïncidences » ! Sans doute, devrons-nous encore nous secouer pour nous débarrasser de beaucoup de préjugés et ne pas renoncer à heurter certaines certitudes ou sensibilités en faisant appel au bon sens … sans brutalité !
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] J.-B.- ORPUSTAN (ancien Professeur des Universités dans la spécialité Littérature et études linguistiques basques) : « … ihailli est une variante assimilée de ehaili dont je ne sais si la base est eho “moulu”, ou comme on le pense habituellement si c’est le factitif erahiltze “faire mourir” (employé métaphoriquement pour dire “frapper violemment”) … »
[2] La forme synthétique /W(h) o/e L-/ indiquant « quelque chose qui tourne » prend des formes très variées dont /(w)el / (w)ol/ (w)ul /(w)al /… En font partie les mots basques ALDI, ALDE “côté”, ALDATU “(se) changer, échanger, déplacer, différencier, etc.”
[3] On définit le « hasard » par un manque apparent de cause à effet d'un événement ; mais, ici, c’est bien en martelant/frappant qu’on tue !