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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ... | ||||||||||||
(50)
À quelques millénaires de distance ... d’un bout
de la toile à l’autre ! |
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A l’heure où l’on ne jure que par le « numérique », il convient de rappeler que la plus connue des avancées technologiques de ces dernières décennies est incontestablement Internet, familièrement désignée par le « WEB », la “toile” en anglais. Mais ce que certains ont peut-être perdu de vue, c’est que cette dernière appellation anglo-saxonne est tirée du fond lexical ancestral indo-européen ! La racine qui en est donnée sous deux formes par les linguistes est /*webh-/ ! ou /*ubh-/ [1] que l’on retrouve par exemple dans le grec ὑφαίνω (ϝ/wuphaínō) “tisser” et dans l’appellation de l’araignée en sanskrit ūlṇa-vā́bhi littéralement “la tisseuse de laine”. | ||||||||||||
Et le lien avec EUSKARA ? | ||||||||||||
Eh bien ! il semblerait que des liens existent à plusieurs niveaux. | ||||||||||||
Pour mémoire : dans l’expression du sanskrit qui vient d’être citée, ūlṇa désigne la laine, terme que nous rapprochons (après l’avoir déjà fait pour ulaka) du basque ULE, forme biscayenne de la “laine” (plus connue au Pays basque-Nord sous l’appellation ILE) [voir article 8]. | ||||||||||||
Autre correspondance plus directe : celle du grec ὑφαίνω (ϝ/wuphaínō) “tisser” et du basque EHAIN(DU) “tisser” [2], d’autant plus que nous verrons plus bas que EHAINDU peut être rapproché de EBAIN(DU), ce qui nous dirige à nouveau vers la racine indo-européenne citée au début de l’article /*ubh-/. | ||||||||||||
Il existe par ailleurs beaucoup de noms basques désignant l’araignée dont la plupart commencent par le vocable ARMA-/ARMI- [3]. Sachant que pour désigner l’araignée, le sanskrit a l’expression ūrna-vā́bhi, littéralement “la tisseuse de fil”, on peut s’interroger sur l’éventuel parallélisme de cette construction avec celles des différentes appellations basques. Si tel était le cas, le premier terme ūrna pourrait correspondre à ARMA “fil” (?) et le second vā́bhi à un terme basque ayant un lien avec le tissage. Pure conjecture diront certains, oui, MAIS … | ||||||||||||
… en toile de fond du lexique euskarien … | ||||||||||||
… on peut mettre en évidence un faisceau de présomptions cohérentes faisant apparaître des correspondances curieuses entre mots (ou parties de mots) basques et vocabulaire indo-européen ; jugez-en par vous-même : | ||||||||||||
- Parmi les différentes appellations de l’araignée, celles qui se terminent par « O » nous interpellent : ARMAMIO, ARMIARMO et ARMIRIMAO, toutes issues du célèbre dictionnaire d’AZKUE, qui comme tous les basques du sud a souvent l'habitude de « gommer des H étymologiques » (les linguistes parlent d’élision). En effet, après avoir rappelé qu’à Saint-Palais araignée se dit ARMIMA, Eñaut ETCHAMENDY indique qu’en certains lieux de Basse Navarre la toile d’araignée est désignée par ARMIMAHO [4] ; il est donc probable que le O (d’Azkue) soit l’équivalent du HO bas-navarrais. | ||||||||||||
- Or nous avons en basque le terme EHO de la même
famille que EHAIN(DU) signifiant tous deux “tisser” [2] ; et
c’est d’ailleurs ce même EHO qui induit le terme EHOLE
“tisserand” [![]() |
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- Notons, chemin faisant, que EHO, outre “tisser”, signifie aussi “rouer/rosser ~ battre” et même “tuer” et c’est là l’occasion de rappeler qu’en amont de l’opération de tissage, on commence toujours par battre la matière première (laine, coton, chanvre …). | ||||||||||||
- Cette dernière remarque renforce l’intuition d’E. Etchamendy qui rapproche les termes MAHO et BAHO/BAHE “van, crible” [2], sorte de tamis (utilisé notamment pour nettoyer les grains de blé). On notera, en premier lieu, que le tamis présente bien un aspect “tissé”, mais, en second lieu, que si MAHO est bien apparenté à EHO/EHAINDU, BAHO pourrait bien l’être à un autre verbe (proche phonétiquement) EBAINDU dont curieusement l’un des sens est “battre” , “briser, mettre en pièce” [5] … comme EHO ! | ||||||||||||
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En guise de conclusion
L’identification reconnue de la racine /*ubh-/*webh-/ dans le grec ὑφαίνω (ϝ/wuphaínō) et le sanscrit vā́bhi ne vous apparaît-elle pas tout aussi crédible pour BAHO/BAHE ? |
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[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | ||||||||||||
[1] Cité notamment par l’helléniste Pierre CHANTRAINE dans son « Dictionnaire étymologique du grec ancien » (1968) sous/ὑφαίνω “tisser”. | ||||||||||||
[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926): - EHAI- : variation de EHUN (S), de EHAIN (L, N) tisser / EHAINDU : tisser / EHAITU : tisser, faire un tissu au métier / EHAILE tisserand mais aussi assassin … - /EHO : moudre, tisser mais aussi rouer (figuré : rosser), tuer - /BAHE et /BAHOLA “van” |
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[3] Noms de l’araignée cités sous les plumes confondues de AZKUE, LHANDE, LAFITTE et CHARRITON : ARMAMIO, ARMAMOI, ARMARABILA, ARMARMA, ARMIAMA, ARMIARMA, ARMIARMO, ARMIMA, ARMIRIMAO (et pour mémoire en Soule AINHARBA, AÑHARBA) … | ||||||||||||
[4] Terme encore utilisé en basse-Navarre (Lecumberry et Estérençuby notamment) | ||||||||||||
[5] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905) s/EBAINDU - “battre” ; “(s)'éreinter de fatigue” ; “briser, mettre en pièce” ; “estropier, laisser à demi mort”. | ||||||||||||