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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(53) Mots courts qui en disent long
 
… sur l’origine de la langue s’entend ! Les mots courts, ce sont les fameuses conjonctions de coordination (« entre mots » ou « entre phrases ») … Rappelez-vous le moyen mnémotechnique
qui vous a peut-être permis de les retenir « Mais où est donc Ornicar ? » avec deux fautes d’orthographe gravissimes : au lieu de ou ainsi que est au lieu de et ! Peuvent s’y ajouter les
« cependant, pourtant, toutefois, ainsi, aussi, puis/ensuite, enfin … ».
 
Oui, Mais ! …
BAI et BAINA en basque, voilà des mots que le paléo-linguiste, Michel MORVAN [1], considère comme probablement stables depuis le proto-basque (donc bien avant l’arrivée des indo-européens), à la consonne initiale près. Il les rapproche des langues ouralo-altaïques [2] et notamment des deux mots finnois de même sens vai, vain ! Mais, nous revenons plus bas sur BAI.
 
Et Ensuite … Aussi
Le premier sens du basque ETA est le strict correspondant de notre “et” logique. Mais “après avoir dit cela” (en basque HORI “cela” ERRAN “dit” ETA), sachez que l’utilisation de ETA ou de BAITA ( BAI + ETA) après un verbe est identique en grec avec le sens voisin de “après, ensuite” ; n’est-elle pas curieuse cette similitude (y compris au niveau de la phonie) avec εἶτα [eita] “ensuite” et, plus fréquemment depuis Homère, ἔπειτα [épeita] au sens temporel (après) ou logique. [3]
Mais, nous avons “aussi”, ERE en basque, dont le sens est parfois proche de “ainsi” comme en basque avec HALA ERE “même ainsi”. Eh bien ! On retrouve des termes similaires dans plusieurs langues indo-européennes comme le grec ἄρα [ára], ἄρ- [ár-]“ainsi, alors” et le lituanien ī̌r ou le lette ir avec le sens de “et aussi” !
 
Ou et où
À ne pas confondre bien sûr la conjonction ou pour indiquer un choix et le pronom relatif (ou l’adverbe interrogatif) qui sert généralement à l’expression d’un lieu . En basque, aucun risque de se tromper, les mots étant très différenciés : ALA (ou EDO) [4] pour ou et NUN/NON pour . Mais dans les deux cas, l’indo-européen n’est jamais très loin du basque. En effet, pour ALA, nous venons de le voir encore récemment (Article N° 52), il intègre le fameux radical tournant indo-européen /W(h) o/e L-/ [5]. Quant au pronom relatif NUN, le plus souvent « de lieu » (BIARRITZEN NUN BIZI NAIZ “à Biarritz où je vis”), il a parfois un sens temporel comme dans HORRA NUN “voilà le moment où...” [6] et Eñaut ETCHAMENDY le rapproche du grec /νυ/νυν/νῡν/ [nu, nun, nūn] “et maintenant, alors”.
 
Dans le « roman indo-européen », le basque aurait beaucoup emprunté aux langues environnantes !
Mais, dans le registre de cet article ... une fois de plus, nous sautons à pieds joints au-dessus du ... roman !
BAI - BAINA
"oui - mais"


placé après le verbe
ETA / BAITA
“après que ...”


ERE “aussi”

HALA ERE
“même ainsi”


NUN/NON “où”
HORRA NUN “voilà le moment où...”

 

(finnois) vai - vain
"oui - mais"


placé après le verbe
εἶτα [eita] “ensuite”
ἔπειτα [épeita]
“après”

ἄρα/ἄρ- [ára/ár-]
“ainsi, alors”

(lituanien/lette)

ī̌r - ir “et aussi”

/νυ/νυν/νῡν/
[nu, nun, nūn]
“et maintenant, alors”
Pays basque
Grèce antique et autres langues i.-e. et eurasiennes
 
Enfin …
… que le basque traduit par des termes intégrant en général le mot AZKEN “ultime, dernier” (AZKENIK, AZKENEAN, AZKENEKOTZ …). C'est une nouvelle fois l'occasion de marteler que les très nombreuses similitudes observées entre basque et langues indo-européennes ne se résument pas à des emprunts massifs du basque aux langues environnantes (pour la plupart romanes). Là encore, nous rappelons l'analyse qu'E. ETCHAMENDY fait de AZKEN [évoquée dans l'article N°30 « le Meilleur »] : /ATZE/ “derrière” + /KO/ “de” + /EN/ “le plus” = “le plus en arrière” si bien qu'il peut être rapproché du grec ἔσχατος [éskhatos] “qui se trouve à l’extrémité, derrière ”.
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] MORVAN Michel [1948-] Paléo-linguiste comparatiste, germaniste de formation, connu surtout pour ses études en bascologie, avec notamment sa thèse reprise dans un ouvrage de 1996 sur « les Origines linguistiques du basque [ouralo-altaïque] ». Dans un ouvrage datant de 2008, il affirme que le basque, loin d'être une langue isolée, appartient à une très ancienne lignée eurasienne.
[2] Au nombre de la trentaine de langues « ouraliennes », on compte le hongrois, le finnois et l’estonien. Quant aux langues dites « altaïques » elles sont (ou ont été) parlées sur un large territoire allant du Moyen Orient à l’Asie (centrale, du nord et de l’est) en passant par l’Europe de l’est ; en font notamment partie des langues turques et mongoles.
[3] À noter en outre que ETA, placé après un nom (comme Eñaut ETA ou GIZONA ETA), prend le sens de “et les autres” (en l’occurrence “Eñaut et les autres”, “l’homme et les autres”).
[4] EDO “ou” est généralement employé avec le sens de “approximativement, plus ou moins”, alors que ALA marque un véritable choix alternatif, une opposition, une différence entre ce qui précède et ce qui suit.
[5] Radical dont un cas particulier est /(w)al/. Proches de ALA, nous pouvons citer ALDI “tour, fois, par contre”, ALDIZ “par contre, fois (occurrence)”, ALDE “côté”, ALDATU “(se) changer, échanger, déplacer, différencier” …
[6] À noter les deux sens du terme voisin UNE “instant, moment” (temporel) et “endroit” (lieu).