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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(30) Le MEILLEUR
du basque et de l'indo-européen
 
Le Larousse définit ainsi le mot « superlatif » : « Degré de comparaison de l'adjectif ou de l'adverbe exprimant la qualité ou la modalité à un degré très élevé, supérieure ou inférieure à d'autres (superlatif relatif), ou indépendamment de toute référence (superlatif absolu). » et il précise (heureusement plus simplement) « Terme de sens trop fort, exagéré … »

Eh bien, il n'est pas exagéré d'affirmer que le mode de fabrication des superlatifs en grec ancien et en basque et, parfois, les termes eux-mêmes utilisés, sont on ne peut plus proches ! Donnons un aperçu des ... meilleurs.
 
Le meilleur
Très logiquement, nous commencerons avec le basque par l'adjectif LEHEN "premier", qui devient un substantif LEHENA (doté de l'article A "le") pour dire "le premier" et "le meilleur" au sens par exemple du meilleur élève ou de celui qu'on a choisi. LEHEN est en effet construit sur la base du radical LEHI "volonté, désir, compétition, souhait..." complété par le suffixe comparatif « -EN » [1] qui génère le superlatif LEH(I)EN littéralement "le plus voulu" donc finalement "le plus convoité, le plus désiré" ~ "le meilleur".
Or, le grec ancien offre le terme λωȋων [lōīōn] "le meilleur" (et λῴων [lōōn] en grec attique [2]) dont de prestigieux linguistes ont dit qu'il s'agissait bien d'un comparatif et qu'en dépit de son
« étymologie obscure » le mot fut rapproché du verbe λῶ, λῆν [lȭ, lẽ̅] "vouloir" (P. CHANTRAINE) !
 
Le plus fort !
Nous avons le basque AZKAR "fort, vigoureux" en regard duquel, nous avons l'adjectif grec ἰσχυρος [iskhuros] "fort", dérivé du substantif ἰσχῡ́ς [iskhus] "force physique" dont l'étymologie est considérée par Pierre CHANTRAINE « incertaine » ! Cela nous apparaît un peu … fort … surtout si l'on compare le superlatif de AZKAR, AZKARREN "le plus fort", au terme grec correspondant (dorien [2]) καρρών [karrṓn] "plus fort" !
Dans le même ordre d'idée, le terme basque AREEN marque la supériorité ou l'infériorité absolue … "le plus quelque chose" [3]. Or, le grec a les termes ἀρείων [areíōn], ἄριστος [aristos], ἀριστερος [aristeros] "meilleur, plus fort, le plus brave" et nous avons la … faiblesse de penser que ce n'est pas le fruit du hasard !
 
Pays basque
Grèce antique
LEHEN
littéralement "le plus voulu"
"le premier", "le meilleur"
 
λωȋων [lōīōn],
λῴων [lōōn]
"le meilleur"
AZKAR "fort, vigoureux"
AZKARREN "le plus fort"
 
ἰσχῡ́ς [iskhus] "force physique"
καρρών [karrṓn] "plus fort"
AREEN
"le plus ... quelque chose"
 
ἀρείων [areíōn] "meilleur,
plus fort, le plus brave"

 

 
Le plus grand
A qui habite le Pays basque où s'y rend fréquemment, le terme GARAI "élevé, haut" doit lui dire quelque chose, ou plus probablement … quelqu'un (ALDEGARAI, BIDEGARRAI, BORDEGARAI, ETXEGARAI/ETCHEGARAY, ETXEBERRIGARRAI, ELIZAGARAI, HIRIGARAI, OLHAGARRAI, … et bien d'autres patronymes encore). Le superlatif de GARAI devrait être GARAIEN, qui n'est pas usité, mais on peut lui substituer le terme de la même famille GEHIEN "le plus grand" au sens de l'aîné, le plus ancien et "celui qui est supérieur, qui a l'autorité" [4]. Face à ces termes, citons le grec κρείων [kreíōn] "maître, souverain" employé surtout pour Agamemnon [5].
À signaler, chemin faisant, cet autre terme de la même famille que GARAI, GARAINDI dont l'un des sens est "affronter victorieusement" les difficultés, les défis, les problèmes, etc. … que l'on peut aussi rapprocher du grec κραίνω [kraínō], κραιαινω [kraiainō] dont l'une des significations est "être maître, régner sur".
 
Le dernier … mais pas le moindre !
Le terme AZKEN "ultime, dernier" viendrait de ATZE "derrière, partie postérieure" + KO "de" + EN "le plus" soit, "le plus en arrière". Alors pourquoi ne pas le comparer au grec ἔσχατος [éskhatos] "qui se trouve à l'extrémité", "dernier". Mais le sens du mot grec étant parfois "à l'extérieur" a fait dire à P. CHANTRAINE : « [il est] sûrement dérivé de έξ [éx], mais le détail est obscur. » ! Peut-être que la comparaison avec Euskara l'aurait peut-être … éclairé quelque peu ?
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
[1] Autres exemples de fabrication du comparatif de supériorité basque : HANDI "grand" HANDIEN "le plus grand", EDER "beau" EDERREN "le plus beau" …
[2] Le Grec ancien ce sont de nombreux dialectes parlés dans les 4 tribus de la Grèce antique dont l'Eolien. (y compris des variantes), le Mycénien (1600 à 1100 avant JC) de Mycènes (ville du Péloponnèse), le Dorien et l'Ionien-Attique (~ 800 à 300 avant JC). C'est ce dernier (Attique = d'Athènes) qui est prépondérant dans les textes littéraires, donc la base du grec ancien enseigné dans les Ecoles, et à l'origine du grec moderne.
[3] De ARE "encore, plus, encore plus" transformé en superlatif par l'adjonction du suffixe " -EN ".
[4] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926)
[5] citation de Pierre CHANTRAINE : « Εὐρύ κρείων (eurú kreíōn) "dont la puissance s'étend au loin" » … en rappelant, pour mémoire, que [eurú] se rapproche étonnamment du basque URRUN "au loin" ! AGAMEMNON est ce héros légendaire évoqué dans l'Odyssée d'Homère, roi de Mycène et acteur important de la guerre de Troie.
 
 
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