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(31) Les mêmes hauts et bas ...
indo-européens !
 
Dans l'article précédent, consacré au « meilleur » et plus généralement aux « plus quelque chose », nous n'avons pas évoqué le basque HOBEREN "le mieux, le meilleur" construit pourtant sur le même modèle que les termes que nous avons analysés, à savoir : un superlatif de HOBE "mieux" obtenu par l'adjonction du suffixe comparatif -(R)EN (le R n'étant là que pour la phonie).
C'est que HOBE a quelque chose de plus : sa très probable filiation avec une racine authentiquement indo-européenne souvent représentée par l'expression « (s)up- » que l'on retrouve, par exemple, dans tous nos termes français à base de SUPER (et dans les termes sanskrit upári "au-dessus" et grec ὕπερ [huper] "sur, au-dessus de, en dépassant").

HOBEREN signifierait donc littéralement "le plus élevé, le plus haut" [1]. Et ce qui accrédite, notre hypothèse, c'est que le basque offre d'autres exemples encore plus évidents de termes intégrant la fameuse racine.
 
Les mêmes hauts ... sans débat !
Le verbe UPATU signifie "lever, se lever, élever, hisser" [2] que l'on retrouve presque intact dans HURRUPATU "avaler, absorber (un liquide)" dont vous aurez reconnu le premier élément (H)UR(R) "eau" ; donc, littéralement, HURRUPATU signifie "remonter de l'eau" c.-à-d. "laper, lamper, gober".
 
Autre terme, englobant le précédent, ZURRUPATU signifiant "absorber, sucer" (mais aussi "gruger"). Ce dernier terme est vraisemblablement proche du français absorber, lui-même issu du latin sorbeō "avaler, engloutir, gober, absorber" … mais, compte tenu des pièces du puzzle que nous avons évoquées pour construire notre terme basque, celui-ci ne peut pas être le résultat du simple emprunt à ses voisins latins des mots de la même famille.
 
Des bas ou ... l'écume de racines indo-européennes !
Nous avons également le terme AP(H)AR "écume, mousse", dont tant le sens que la forme se supperposent au mot grec ἀφρός [aphrós], à propos duquel Eñaut ETCHAMENDY fait l'hypothèse d'une équivalence des radicaux AP- et UP- … pour en expliquer l'origine : "ce qui fait/forme le haut".
Mais, selon lui, la deuxième partie du terme « -AR » serait une variante de -(H)ER signifiant "terre (Cf. Article 3). Ainsi, APHAR pourrait simplement signifier "au-dessus de la terre", et cette hypothèse est d'autant plus crédible que nous sommes face à un faisceau d’indices convergents :

- Nous avons en basque HONDARRA "dépôt, décantation, fond" et pour les habitués des plages basquaises "sable", c’est-à-dire … "au-dessous de la terre" ;
- À cet égard, le préfixe HOND- ne vous apparait-il pas être un parent proche des mots anglo-saxons
 « undar/under/unter » "sous" [la terre ?] ;
- Le sanskrit a le terme adhara signifiant "au-dessous, inférieur, vers le bas, plus bas" [… que terre ?] ;
- Le terme inférieur (calqué sur le latin inferus) et, symétriquement, supérieur (superus) ne contiendraient-ils pas le niveau de référence terrestre « ER » ?
- Le basque a encore BEHERE signifiant "le bas, le dessous" [de la terre ?] qui pourrait s’opposer à HOBERE(N) le meilleur", mais peut-être aussi "celui qui est au-dessus" des vulgaires terriens ?
 
Pays basque
Autres pays indo-européens
UPATU
"lever, se lever, élever, hisser"
 
(s)up- indo-européen
grec ὕπερ [huper]
"sur, au-dessus de"

sanskrit upári
"au-dessus"
HURRUPATU
"avaler, absorber (un liquide)"
 
AP(H)AR
"écume, mousse"
 
grec ἀφρός
[aphrós] "écume"
HONDARRA
"dépôt, fond, sable"
 
sanskrit adhara
"au-dessous, plus bas, inférieur, vers le bas"
 
En résumé
Les mêmes « hauts » basques et indo-européens /(H)OB-/(s)up/ὕπερ [huper]/… ne seraient-ils pas issus d’une onomatopée pour désigner (en imitant son cri) la huppe, cet oiseau à la crête remarquable (nom savant latin : Upupa) et en grec [epopos] ? Si tel était le cas, nous aurions là une étymologie de haute lignée !

Les mêmes « bas » basques et indo-européens /HOND-/und-/unt-/inf-/[3] n’auraient-ils pas un rapport avec le terme basque (H)OIN "pied" (?) comme le basque BE-/PE "partie inférieure" ne pourrait-il pas être rapproché de la racine indo-européenne « -ped » "pied" qui apparaît, par exemple, dans le grec πέδον [don] "pied" ?

Enfin, si le haut du pavé indo-européen est bien toujours le Sanskrit et si nous invoquons (avec forces arguments) la liberté de penser que le basque ne doit pas être exclu de manière aussi dogmatique qu'aujourd'hui (et depuis plus d'un siècle) du champs linguistique indo-européen, le présent article pourrait s'intituler : sous les pavés, la plage !
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
[1] On peut d'ailleurs se demander si l'allemand heben "lever, soulever" n'est pas de la même famille. En effet, il se conjugue en hob au passé (ich/er/sie hob "je/il/elle levai(s/t)", gehoben "levé") et une définition donnée dans un dictionnaire germano-germanique est nach oben bewegen "déplacer vers le haut" où oben signifie haut !
[2] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926)
[3] Di inferi "les Dieux souterrains" en latin
 
 
Article précédent consacré aux superlatifs