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Étymologies ... à corps perdu
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Nous poursuivons ici notre travail au corps en direction des irréductibles, tenants de l’isolationnisme du basque … en leur proposant trois nouveaux exemples de termes indo-européens prétendument sans parenté mais auxquels le basque pourrait ne pas être (corps) étranger ! | ||||||
Corps noir ! | ||||||
Les célèbres linguistes indo-européanistes
Antoine MEILLET et Alfred ERNOUT analysent le terme corpus
“corps” dans leur fameux « Dictionnaire Étymologique
de la langue latine, Histoire des mots » (1932). Et, après avoir notamment exploré le sanskrit kr̥pā “forme, beauté”, l’avestique kərəfš, kəhrpam “forme, corps” [1], le vieux prussien kērmens “corps”, le vieux slave črěvo “corps, ventre”, le grec πραπις [prapis] “diaphragme, esprit, intelligence”, le vieil anglais hrif “ventre”, ils concluent pour l’ensemble de ces termes « en somme groupe obscur » ! |
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S’ils avaient su (ce dont nous doutons) que le basque a le terme GORPITZ/GORPUTZ “corps”, sans doute auraient-ils immédiatement rangé le mot basque parmi les emprunts évidents au latin ! … ce que ne manquent pas de faire encore aujourd’hui des bascologues patentés. | ||||||
Or, l’explication étymologique des
deux termes semble claire en basque : - GOR-, composant de GORRI “rouge”, a déjà été évoqué dans notre article N° 26 « des couleurs on discute » avec le sens de "ce qui est tranché" et dont la couleur sang est "rouge" ; Eñaut ETCHAMENDY évoque l’idée de "chair". - Quant à -PITZ/-PUTZ, également évoqués dans nos articles N° 42 et 43 consacrés à la « Vie », ils font respectivement référence à "vie" et "souffle (de vie) ". |
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Ainsi, GORPUTZ signifierait littéralement "(chair) pourvue de souffle" et GORPITZ "(chair) pourvue de vie". Êtes-vous toujours dans le noir messieurs les indo-européanistes ? | ||||||
Dans le corps … du sujet qui nous occupe | ||||||
Nous avons déjà rencontré le basque MAMI "chair" [Article N° 7] qui a été rapproché de plusieurs termes indo-européens tels que māmsám en sanskrit, mimz en gotique, miš en albanais, misa en tokarien B [2] … Jusque-là rien de bien nouveau : un mot basque de plus qui enrichit probablement le lexique indo-européen. Mais, il y a mieux, en approfondissant … | ||||||
Le renommé helléniste Pierre CHANTRAINE,
énumère tous ces termes dans l’analyse qu’il fait du correspondant grec μῆνιγξ [mēnigx] "viande", dont il dit « Terme technique et expressif […], d’étymologie obscure. » et il ajoute « […] pour le passage du sens de "viande" à celui de "membrane", on évoque le slovène mezdra à côté de russe myasdrá "viande à l’intérieur de la peau" ; de même le latin a membrāna "membrane" à côté de membrum … » ; de ces réflexions du maître linguiste, il ressort que le terme membrāna n’a pas plus d’étymologie claire que tous les termes cités plus haut ! |
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Mais, l’explication de l’origine de membrāna ne serait-elle pas tout simplement dans l’expression basque MAMI-BARNA “chair profonde” ? | ||||||
Détournement
malicieux d'un détail de la fresque (Chapelle sixtine/Rome) signée
Raphaël (1483-1520) représentant Aristote et ... Platon
(basquisé) qui écrivit par ailleurs : « Ce que cache
mon langage, mon corps le dit. Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte civilisé. » ... cependant, nous aimerions ajouter « civilisé ... mais parfois un peu sourd ! » |
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En approfondissant … (verbe BARNATU en basque) | ||||||
Apparentés à BARNA nous avons BARNE, BAR(R)EN “intérieur” et même BARHEN chez AZKUE [1] qu’Eñaut ETCHAMENDY ose rapprocher du grec φρήν [phrḗn] dont l’un des sens signalé par CHANTRAINE est “entrailles” ; or celui-ci indique que le terme « pose de nombreux problèmes » et notamment celui de « l’identification de l’organe » qu’il désigne ; au terme d’une très longue analyse il conclut « En dehors du grec, on ne voit … aucun rapprochement plausible […] il appartient à une série ancienne de noms-racines où figurent plusieurs appellations de parties du corps … ». | ||||||
L’hypothèse du rapprochement basque mériterait que l’on s’y attarde, d’autant plus que le terme grec φρένητικος [phrénēticos] “phrénétique” (ancienne graphie de frénétique) pourrait être à son tour comparé au basque BARRENETIK “(qui vient) du tréfond intime”. | ||||||
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | ||||||
[1] Pour mémoire, l'avestique, proche du vieux perse, est la langue du livre sacré des Iraniens (l'Avesta). | ||||||
[2] Pour mémoire, langue du centre de l'Asie présentant 2 dialectes (A et B) | ||||||
[3] BARNE : intérieur et (adverbe) au-dedans / BARREN (BAREN en Soule) : intérieur (chez LHANDE comme chez AZKUE). À noter en outre chez AZKUE : pour BAR(R)EN et BARHEN : extrémité inférieure | ||||||
[4] phrénétique, phrénésie : Qui est poussé jusqu’à une exaltation extrême. Se dit surtout des Sentiments violents ou de leur expression. | ||||||