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(62) Étymologies ... à corps perdu (4)
 
Nous poursuivons ici notre travail au corps en direction des irréductibles, tenants de l’isolationnisme du basque … en leur proposant trois nouveaux exemples de termes indo-européens prétendument sans parenté mais auxquels le basque pourrait ne pas être (corps) étranger !
 
Corps noir !
Les célèbres linguistes indo-européanistes Antoine MEILLET et Alfred ERNOUT analysent le terme corpus “corps” dans leur fameux « Dictionnaire Étymologique de la langue latine, Histoire des
mots »
(1932). Et, après avoir notamment exploré le sanskrit kr̥pā “forme, beauté”, l’avestique kərəfš, kəhrpam “forme, corps” [1], le vieux prussien kērmens “corps”, le vieux slave črěvo “corps, ventre”, le grec πραπις [prapis] “diaphragme, esprit, intelligence”, le vieil anglais hrif “ventre”, ils concluent pour l’ensemble de ces termes « en somme groupe obscur » !
 
S’ils avaient su (ce dont nous doutons) que le basque a le terme GORPITZ/GORPUTZ “corps”, sans doute auraient-ils immédiatement rangé le mot basque parmi les emprunts évidents au latin ! … ce que ne manquent pas de faire encore aujourd’hui des bascologues patentés.
 
Or, l’explication étymologique des deux termes semble claire en basque :
- GOR-, composant de GORRI “rouge”, a déjà été évoqué dans notre article N° 26 « des couleurs on discute » avec le sens de "ce qui est tranché" et dont la couleur sang est "rouge" ; Eñaut ETCHAMENDY évoque l’idée de "chair".
- Quant à -PITZ/-PUTZ, également évoqués dans nos articles N° 42 et 43 consacrés à la « Vie », ils font respectivement référence à "vie" et "souffle (de vie) ".
 
Ainsi, GORPUTZ signifierait littéralement "(chair) pourvue de souffle" et GORPITZ "(chair) pourvue de vie". Êtes-vous toujours dans le noir messieurs les indo-européanistes ?
 
Dans le corps … du sujet qui nous occupe
Nous avons déjà rencontré le basque MAMI "chair" [Article N° 7] qui a été rapproché de plusieurs termes indo-européens tels que māmsám en sanskrit, mimz en gotique, miš en albanais, misa en tokarien B [2] … Jusque-là rien de bien nouveau : un mot basque de plus qui enrichit probablement le lexique indo-européen. Mais, il y a mieux, en approfondissant
Le renommé helléniste Pierre CHANTRAINE, énumère tous ces termes dans l’analyse qu’il fait
du correspondant grec μῆνιγξ [mēnigx] "viande", dont il dit « Terme technique et expressif […], d’étymologie obscure. » et il ajoute « […] pour le passage du sens de "viande" à celui de
"membrane", on évoque le slovène mezdra à côté de russe myasdrá "viande à l’intérieur de la peau" ; de même le latin a membrāna "membrane" à côté de membrum … » ; de ces réflexions du maître linguiste, il ressort que le terme membrāna n’a pas plus d’étymologie claire que tous les termes cités plus haut !
 
Mais, l’explication de l’origine de membrāna ne serait-elle pas tout simplement dans l’expression basque MAMI-BARNA “chair profonde” ?
 
Détournement malicieux d'un détail de la fresque (Chapelle sixtine/Rome) signée Raphaël (1483-1520) représentant Aristote et ... Platon (basquisé) qui écrivit par ailleurs : « Ce que cache mon langage, mon corps le dit.
Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte civilisé. » ... cependant,
nous aimerions ajouter « civilisé ... mais parfois un peu sourd ! »
 
GORPUTZ
"corps"

/GOR-/ + PUTZ
Littéralement
"(chair) pourvue de soufle"
 
(latin) corpus
“corps”

« ... groupe obscur »
(A. Meillet et A. Ernout)


MAMI “chair"


+ BARNA profond”


MAMI-BARNA
“chair profonde”

Racine indo-européenne
  *memso- “chair”  

(sanskrit) māmsám,
(gotique) mimz,
(grec) μῆνιγξ [mēnigx] ...
... “chair, viande"

« étymologie obscure »
(Pierre Chantraine)

(latin) membrana
“membrane”
Basque
 
Indo-européen
 
En approfondissant … (verbe BARNATU en basque)
Apparentés à BARNA nous avons BARNE, BAR(R)EN “intérieur” et même BARHEN chez AZKUE [1] qu’Eñaut ETCHAMENDY ose rapprocher du grec φρήν [phrḗn] dont l’un des sens signalé par CHANTRAINE est “entrailles” ; or celui-ci indique que le terme « pose de nombreux problèmes » et notamment celui de « l’identification de l’organe » qu’il désigne ; au terme d’une très longue analyse il conclut « En dehors du grec, on ne voit … aucun rapprochement plausible […] il appartient à une série ancienne de noms-racines où figurent plusieurs appellations de parties du corps … ».
L’hypothèse du rapprochement basque mériterait que l’on s’y attarde, d’autant plus que le terme grec φρένητικος [phrénēticos] “phrénétique” (ancienne graphie de frénétique) pourrait être à son tour comparé au basque BARRENETIK “(qui vient) du tréfond intime”.
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Pour mémoire, l'avestique, proche du vieux perse, est la langue du livre sacré des Iraniens (l'Avesta).
[2] Pour mémoire, langue du centre de l'Asie présentant 2 dialectes (A et B)
[3] BARNE : intérieur et (adverbe) au-dedans / BARREN (BAREN en Soule) : intérieur (chez LHANDE comme chez AZKUE). À noter en outre chez AZKUE : pour BAR(R)EN et BARHEN : extrémité inférieure
[4] phrénétique, phrénésie : Qui est poussé jusqu’à une exaltation extrême. Se dit surtout des Sentiments violents ou de leur expression.