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(60) Étymologies ...
obscures ou inexpliquées (2)
 
Poursuivant la série d’articles initiée récemment, nous vous donnons ici trois nouveaux exemples de termes grecs anciens dont les linguistes les plus célèbres ont affirmé que l’étymologie était obscure. Et, là, vous nous voyez revenir avec nos gros sabots !
 
Qui dit ruade, dit sabot !
Dans la continuité de l’analyse comparative (basque/grec ancien) qui a été faite de PUTAR “ruades de bêtes chevalines” et πυδαρίζω [pudarízō] “ruer” [voir article précédent], citons les termes grecs χηλή [khēlḗ]/ χᾱλᾱ [khālā́] “sabot” du cheval, “sabot, pied fourchu” des bovidés, ovins et caprins dont Pierre CHANTRAINE dit « mot technique, isolé. [Etymologie] très incertaine ».

Or, le suffixe /–KAL/-KUL/ apparaît dans le lexique basque avec le sens de “ongle” pour les humains et “onglon” pour les animaux, c.-à-d. très exactement l’enveloppe cornée de l’extrémité du « doigt » chez le cheval (et les ruminants plus généralement) [1]. La première partie du mot basque étant à rapprocher de (H)ATZ “pied”, “extrémité de membre”, (H)AZAZKAL/ AZAZKÜL peut donc signifier littéralement “onglon du pied = sabot” !
 
Etymologie … en eau trouble
Le basque a pour traduire le qualificatif “trouble, opaque, obscur” le terme UHER/UHEL issu très probablement de la composition de /(H)UR/ “eau” + la racine reconstituée /(H)ER/ ayant un rapport avec “terre, sol”.

Eñaut ETCHAMENDY le rapproche du grec mycénien [2] ὑα (ϝ/hua) “en cristal de roche” cité par Pierre CHANTRAINE dans l’analyse qu’il fait des termes ὕαλος/ὕελος [ϝ/hualos/ϝ/huelos] “matière transparente, albâtre, cristal, ambre jaune” et dont il dit « terme technique (peut-être déjà mycénien) d'origine obscure. » !
 
Explication (basque) … sous roche
Revenons sur notre Article N° 3 consacré à la Terre, où nous avions cité fugitivement le terme basque AIZPE "caverne, grotte" que nous avions rapproché du grec σπέος [spéos], de même sens, dont CHANTRAINE disait « terme archaïque sans étymologie mais qui doit être en rapport d’une manière ou d’une autre avec σπήλαιον ». Toutefois, l’analyse qui est faite par le même linguiste de σπήλαιον ([spḗlaion] signifiant également “grotte, caverne” n’éclaire pas plus l’étymologie !

En revanche, au-delà de la proximité phonique des mots grec et basque ayant la même signification, l’étymologie du terme AIZPE est parfaitement claire puisqu’il est issu de la combinaison de /AIZ-/ "rocher" (en composition) + /-PE/ suffixe signifiant “sous, dessous” [3].
 
Pays basque
 
Grèce antique
AIZPE
"caverne, grotte"

AIZ + PE
"roche" +
"dessous"


(H)UR + (H)ER
"eau" + "terre, sol"

UHER
UHEL

“trouble, opaque
obscur”

 
σπέος [spéos]
"caverne, grotte"

« sans étymologie »

(Pierre Chantraine)

« origine obscure »


ὑα
[ϝ/hua] (mycénien)
ὕελος
[ϝ/huelos]
“matière transparente, albâtre, cristal, ambre jaune”

 
Ce beau décor de caverne est l'occasion de rappeler que nos encêtres européens y survécurent durant
près de 5.000 ans pendant le dernier pic de la période glaciaire (de -20.000 à -15.000 ans avant notre ère) ...
et, comme par hasard, ... dans la région du Pays basque ! [voir Introduction]
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] (H)AZAZKAL/ATZAZAL/AZÜZKÜL/AZAZKÜL (Souletin) “ongle” (chez LHANDE) mais aussi “sabot” (chez AZKUE) ; E. ETCHAMENDY cite également BEHAKULU/BEHAKULIA “ongle du pouce” utilisé à Orsanco (Basse-Navarre) de BEHATZ “doigt”.
[2] Parmi les principaux dialectes grecs antiques, le Mycénien (1600 à 1100 avant JC) de Mycènes (ville du Péloponnèse) semble être l’un des plus anciens.
[3] Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) : s/AIZ- : variation de (H)AITZ- "rocher" et sur/-PE : suffixe qui signifie "dessous, bas" (variation de –BE)