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(59) Étymologies ...
obscures ou inexpliquées (1)
 
Dans presque tous nos articles, nous avons mis en évidence des similitudes étonnantes entre mots basques et indo-européens, tant au niveau de la forme que du sens. Mais, pour certains termes évoqués du vocabulaire indo-européen, les plus célèbres linguistes du 20ème siècle tels que Antoine MEILLET et Pierre CHANTRAINE n’avaient parfois aucune explication étymologique … ce qu’ils exprimaient souvent par « étymologie (ou origine) inconnue (ou obscure) ».

Et le plus surprenant intervient quand le basque, mis en regard du terme indo-européen, est en mesure d’éclairer ladite étymologie douteuse ou inexpliquée !
Ce sera le fil directeur du présent article et des suivants.
 
Arbitre, entre deux parties ...
Selon Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, éd. 1998, sur/ARBITRE : le terme viendrait du latin arbĭtĕr “témoin …”, « mot d’origine obscure, peut-être formé de ad (à) et d’un verbe archaïque baetere signifiant “aller” (le témoin “survient” ?) [...] ».

Mais, avec le basque, il y a possible explication plus simple. En effet, nous avons le terme BITARTE “intermédiaire” construit à partir de BI “deux” + (T pour la phonie, sans raison étymologique) + ARTE “entre” [1]. Moyennant une permutation de BIT et ARTE (ce que les linguistes dénomment
« métathèse » dont nous avons déjà donné des exemples dans un précédent article [2]), nous nous approchons du mot arbiter ! Entre ces deux explications, nous aurions besoin d'un ... arbitre !
 
Le coup de pied (de l’âne ?)
Le grec a le terme πυδαρίζω [pudarízō] “ruer” que Pierre CHANTRAINE analyse dans son fameux
« Dictionnaire Étymologique de la Langue Grecque, Histoires des mots » [1968] : « Terme expressif et populaire […] Étymologie obscure » et de citer « le latin pudet (« abat » ?), le grec σπεύδω [speúdō] (« presser » ?), le lituanien spaudžiu « presser, écraser » en précisant « … ce qui reste très douteux. Dans l’antiquité, l’étymologie populaire rapproche le mot de πούς [poús] “pied” … ».

Or le basque a le terme PUTAR “ruades de bêtes chevalines et asines” [3] avec pour synonymes USTAR/UZTAR “coup de pied en arrière : ruade” et variante USTARKO “ruade” que le basque peut parfaitement expliquer. En effet, dans son vocabulaire, le radical /UZ-/US-/OS-/PUZ-/ (reconstitué) a la signification de “arrière, derrière, fond” [4] et /-TAR/ celui de “qui est de, qui tient de”, soit “qui [est/part] de derrière = ruade”.
 
/UZ-/US-/PUZ-/
"derrière"
+
-TAR
"qui est de"

Littéralement
"qui est/part de derrière"

USTAR/UZTAR
“ruade”

PUTAR
“ruade”
 

« Étymologie obscure »
(Pierre Chantraine)

πυδαρίζω [pudarízō]
“ruer”
 
Pays basque
 
Grèce antique
 
Le meilleur pour la fin (et pour mémoire)
Pierre CHANTRAINE parle « [d']étymologie qui reste obscure » à propos du terme grec λωȋων [lōīōn] "meilleur", bien qu'il évoque, sans vraiment l'expliquer, son rapprochement avec le verbe λῶ [lō] "vouloir". Or, l'Euskara nous a permis de confirmer la pertinence de ce rapprochement :
- Pour mémoire, nous avons fait le rapprochement du basque LE(H)I "volonté, désir, souhait..." avec les formes conjuguées du verbe grec λῶ [lō] (dont lēis, lēi) "vouloir" [Article N° 17].
- Et dans un autre article [N° 30] nous avons rapproché λωȋων [lōīōn] "meilleur" du basque LEHEN "(le) premier". Rappelons la démarche : [LEHI + suffixe comparatif -EN] a pour résultat le superlatif LEH(I)EN littéralement "le plus voulu" donc finalement "le plus convoité, le plus désiré" ~ "le meilleur".
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Le « T » sans raison étymologique apparaît comme tel dans BITARTEAN, littéralement “entre deux”. Nous avons de la même famille BITARTEKO, BITARTEKARI “arbitre” et ARTEKARI “intermédiaire, médiateur”.
[2] Dans notre article N° 48, nous citions IRUDI et IDURI de sens quasiment identique “image, ressemblance …” transformation que les linguistes désignent sous le terme savant de métathèse et nous en avions cité 2 exemples français : fromage (pour formage en ancien français) et moustique (pour mousquite au début du 17ème siècle).
[3] Dictionnaire basque-espagnol-français de Resurreccion Maria de AZKUE (1905)
[4] UZKI/UZKU “le derrière, le séant” ; UZKOI “anus” ; UZKORNO “coccyx, croupe de mammifères, croupion des oiseaux” ; UZTAIN, UZTARE “croupière” + variante UZTERIN(A), UZTAGAIN … PUZKER “pet sonore” ; PUZKAR “péter” …