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(48) APPARENCE
 
Article après article, nous soulignons les ressemblances troublantes du basque d'avec des langues indo-européennes anciennes parlées loin du territoire euskarien, dont souvent le grec antique.
Dans ce nouvel article, nous voulons une fois de plus tenter de vous faire adhérer à l'idée que le basque a bien quelque chose à voir avec les langues indo-européennes. Saurons-nous vous convaincre que nous ne sommes pas victimes d'une apparence, ni du fruit de notre imagination ?
 
Image, Apparence, Imagination
Un des termes signifiant “apparence, ressemblance” en basque est (H)ANTZA que l’on peut, peut-être, rapprocher des grecs φάνσις [phánsis] “apparence” et φαντασία [phantasía] “apparence, image, imagination” dont une descendance en bas latin et italien aurait désigné un “spectacle imaginaire” et une “faculté de conception d'images” [1].
 
Et, justement, le basque a développé cette faculté puisqu'il dispose du terme IRUDI avec la signification “image, ressemblance, portrait de, traits de, représentation de” (et IRUDIMEN “imagination”) qui est un avatar de IDURI [2] “apparence, ressemblance, aspect, image” (mais aussi “avis, opinion”) ; à noter également IDURIPEN de sens quasiment identique.
Une cohérence platonicienne !
Or, Eñaut ETCHAMENDY nous indique que IDURI fait partie de la même famille que le qualificatif EIDER/EDER “beau, orné, attifé” [3] ainsi que de EITE “apparence, ressemblance”, qu’il rapproche du grec εἶδος [eidos] “aspect, forme” mais aussi “idée” et du suffixe signalé par CHANTRAINE -ειδής [-eidḗs], … qui entre dans la composition de plusieurs centaines de mots avec le sens de “en forme de, de tel ou tel aspect” !
 
L'unité de sens et de forme de l'ensemble des termes basques que nous venons d'évoquer renforce curieusement la cohérence de partie de la pensée platonicienne. En effet, Platon [4ème siècle avant notre ère] estime que le Beau créé par l'artiste (peintre ou sculpteur par exemple) n'est que la représentation de l'Idée qu'il se fait de la réalité ; et que ce n'est donc souvent qu'une apparence, une illusion !
 
IRUDI IDURI EIDER EITE
termes tournant autour des mêmes notions de ...
image, aspect, apparence, beau ...
εἶδος [eidos] “aspect, forme”
-ειδής [-eidḗs] “en forme de -”
 
  Pays basque
 
Grèce antique
(demi)Transformation malicieuse d'une copie du portrait de Platon exécuté par le sculpteur grec
Silanion pour l'Académie d'Athènes au IVème siècle av. J.-C.
 
A voir !
Et puisque nous sommes dans l’apparence, signalons également le basque GISA “manière, façon de faire ou d’être” qu’ETCHAMENDY rapproche du vieux haut allemand wisa (et Weise en allemand moderne), dernier terme dont Pierre CHANTRAINE estime qu’il a pour racine indo-européenne
« /*weid-/ [qui] exprime l'idée de voir, cf. sous ἰδεῖν [ideĩn] “voir”, […], à quoi se rattache(nt) εἴδομαι [eidomai] “apparaître, sembler, ressembler, se donner l'apparence de”, … », ce qui nous ramène à IDURI et EIDER ! La boucle ne vous apparaît-elle pas bouclée ?
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Wikipédia : Selon cet article, le terme aurait été ensuite adopté, par suite d’une méprise, pour désigner la fantasia, cet exercice équestre festif d’Afrique du nord où des cavaliers simulent une charge de cavalerie ponctuée de salves bruyantes.
[2] Le passage de IRUDI à IDURI de sens quasiment identique ressemble à une contrepèterie … que les linguistes désignent sous le terme plus savant de métathèse (du grec μετάθησις [metáthêsis] “permutation”) ; exemples français : fromage (formage en ancien français, c.-à-d. “mis à la forme”), moustique (mousquite au début du 17ème siècle et mosquito encore aujourd’hui en espagnol) …
[3] Définition du « Dictionnaire basque-français de Pierre LHANDE (1926) » qui précise par ailleurs EIDER : variation de EDER. Le sens “attifé” est signalé parce qu'il fait référence à une “apparence”. Eñaut ETCHAMENDY complète la définition de LHANDE par ceci : « avec idée de “prestance”, “qui présente bien, qui fait belle figure, qui a belle allure” ».