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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ...
(54) Sur la FORME ... et le fond !
 
L’ORBE, défini platement dans le Petit Robert par « surface circulaire, cercle », désigne souvent, plus poétiquement, la voûte céleste, ce que suggèrent les mots de la famille tels que orbite, orbital … Le terme viendrait du latin orbis "rond, cercle" que l’on retrouve dans la fameuse bénédiction papale
« Urbi et orbi » "à Rome et au monde" [urbi sans majuscule initiale signifiant "à la ville"]. Or, le fameux linguiste Antoine MEILLET [1], n’attribue pas d’étymologie à orbis pas plus qu’à urbs/urbis. Et, c’est là que, peut-être, le basque aurait mérité son attention.
 
Eñaut ETCHAMENDY remarque en effet que si le mot ORBE n’a pas (ou plus) d’existence propre dans le vocabulaire euskarien, il apparaît néanmoins dans des noms de lieux tels que ORBAIZETA, ORBARA (communes de Haute-Navarre) ou de patronymes basques.
Il souligne par ailleurs que l’ombrien [2] a le terme urfeta, objet circulaire intervenant au cours d’un rite religieux dont certains linguistes évoquent la racine *urbh-e-ta- et d’autres orbita et orbis ! [3]. Dans tous les cas, nous ne sommes donc pas très loin de ORBE, qui pourrait avoir été en basque une contraction de /ORTZ/ “Dieu ciel-tonnerre, ciel” + /PE/BE/ “dessous, sous” = “voute céleste” et, dans cette éventualité, ORBETAN signifierait “sous les cieux”.
 
Respectueuses salutations
Ainsi, peut-on imaginer les ancêtres euskariens, levant les yeux vers le ciel, vénérer le Dieu ORTZ(I), le saluer en s’inclinant ou en s’agenouillant … autant de sens que prend le verbe basque GURTU que Pierre LHANDE renvoie au terme GUR(R) “révérence, salut qui se fait en se courbant …” et, implicitement, au célèbre AGUR “salut ! bonjour ! …, adieu !” auquel il donne aussi les significations “salutation” et “adoration”.
Or, /*gor-/ serait une racine indo-européenne signifiant “courbe” ! [4] et dans cette même lignée indo-européenne, le grec a les termes κυρτός [kurtós] “bombé, courbé, convexe, bossu” et κυρτόομαι [kurtóomai] “se courber” en face desquels, nous pouvons citer les basques MAKUR “courbe”, KUNKUR “bossu”, KURTU (synonyme de GURTU) “(se) courber …”.
 
Ne pas renoncer !
Mais, selon Eñaut ETCHAMENDY, le radical basque GUR/KUR, de fait polymorphe (multiforme), peut apparaître sous les formes voisines /KUL/KIL/KOR/KOL/ qui apportent toutes aux mots qui en sont dotés l’idée de “(se) courber, (se) plier, etc... ”. Et pour nombre des mots de cette famille, les similitudes avec les langues (reconnues) indo-européennes et en particulier avec le grec ancien sont très fréquentes ; en voici un premier exemple :
KIKILDU, traduit chez AZKUE par “recroqueviller”, mais dans des phrases du type « EZ GARA KIKILDUKO … » “nous ne céderons pas …”, prend clairement le sens de “se courber, se plier” qu’Eñaut ETCHAMENDY rapproche du grec κλī́νω [klī́nō] dont l’une des formes (au passé) est κέκλικα [kéklika] “faire pencher, incliner, appuyer, coucher” ;
 


/*ORBE/
ORTZ(I) + PE/BE
"voute céleste"



GUR(R)
“salut qui se fait
en se courbant …”



KIKILDU
dont l'un de sens est
“se courber, se plier”

 
 
(ombrien)
objet circulaire
tendu par
le prêtre
dans des
cérémonies
religieuses
     urfeta          
racine *urbh-e-ta-
ou orbita


/*gor-/
racine i.-e. signifiant
courbe


κλī́νω [klī́nō]
κέκλικα [kéklika]

“faire pencher, incliner”
 
 
Pays basque
Grèce antique et autres langues i.-e.
 
Dans la ligne (curviligne) du présent texte, nous complèterons notre propos dès le prochain article par d’autres exemples de termes basques et indo-européens en parfaite cohérence sur la forme comme sur le fond … car « EZ GARA KIKILDUKO … » “nous ne nous inclinerons pas/ne nous plierons pas” face à la doxa selon laquelle la langue basque n’a rien à voir avec l’indo-européen !
 
 
[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique.
 
[1] Antoine MEILLET [1866-1936], considéré comme le principal linguiste français du début du 20ème siècle, est l’auteur de plusieurs ouvrages qui font encore autorité sur la langue latine « Esquisse d’une histoire de la langue latine » (1929) et « Dictionnaire étymologique de la langue latine » (1932). Élève, entre autres, de Ferdinand de SAUSSURE, il reprendra son cours de grammaire comparée à L’École pratique des Hautes Études.
[2] Pour mémoire, l’ombrien est une langue italique (du centre de la péninsule, à l’est de Rome) parlée du 7ème au 1ier siècle AV.-J.-C.
[3] Certains parlent de gourmandise des Dieux (gâteau servi en offrande par le prêtre) ; d’autres d’anneau de cordes. Alfred ERNOUT [1879-1973 - coauteur avec Antoine MEILLET du fameux Dictionnaire étymologique de la langue latine], plus prudent, parle d’objet de forme ronde … tenu en main dans une cérémonie religieuse ... ce qui accrédite l’hypothèse d’un gâteau en forme de roue et donc l’étymologie orbis .
[4] Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, éd. 1998 - s/courbe.
« [... latin] curvus “courbe, recourbé” qui se rattache, avec élargissement en /*wo-/, à la racine i.-e. /*gor-/ “courbe” » [pour mémoire, élargissement : différentes formes dérivées d’une racine avec des significations variées]
 
 
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