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Pour mémoire : Les similitudes nombreuses du basque et de langues indo-européennes anciennes révélées à travers tous nos articles, ne peuvent pas être exclusivement attribuées à l'emprunt des Basques aux langues des peuples qu'ils rencontrèrent. Souvent même, nous pouvons fortement supposer avec quelques raisons que ce pourait bien être l'inverse ... à suivre ... | |||||||||
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Et le féminin ? |
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La réputation matriarcale de la société
basque se devine déjà dans sa figure de proue mythologique
AMAIA, sa Déesse-mère, dénommée SORTZAINA
"maîtresse de la vie" (et dans la langue moderne "sage-femme").
Elle est renforcée par l’expression ETXEKOANDRE, littéralement
"Dame de la maison" [1]. C’est d’autant plus curieux
que sa langue semblerait ne pas disposer du genre féminin ! …
grammaticalement, s’entend ! Quoique … Dans notre article consacré à l’Homme (Article N° 40), vous aurez noté que le grec a le terme ἀνηρ [anḗr] "homme" agissant au sens de "viril, courageux, guerrier", dont nous avions souligné la proximité de son équivalent homérique ήνωρ [ḗnōr] d’avec le radical NOR "QUI, la personne", présent dans beaucoup de termes basques faisant référence à l’Homme. Eh bien, pour désigner la « Femme » (douée d’un courage viril), le grec a utilisé le terme ἀνδρίς [andrís] assez proche de la forme possessive « de l’homme » … ἀνδρος [andrós], forme déjà évoquée pour féminiser des appellations masculines dans l’univers indo-européen. Nous y revenons plus loin. Cette similitude des termes ἀνδρίς [andrís] et ANDERE, ANDRE “dame, demoiselle, épouse …” ne vous apparaît-elle pas pour le moins curieuse ! Au-delà, Eñaut ETCHAMENDY suggère la possible filiation de ANDERE et du suffixe –ANDA qui indique le genre féminin dans la désignation de certains animaux comme dans OTSANDA "louve" [ OTSO "loup"], URDANDA "truie" [ URDE "porc"], OILANDA "jeune poule, poularde" [ OILAR "coq"] … |
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Retour sur la féminisation indo-européenne | |||||||||
C’est dans notre article N° 25 que nous l’avions évoquée en donnant notamment l’exemple grec λύκος [lúkos] "loup" λύκαινα [lúkaina] "louve" (littéralement "celle du loup"). Mais, avant d’être réservée à la désignation de femelles animales [2], ce « suffixe d'appartenance » indo-européen était encore utilisé par Homère (8 siècles avant notre ère), pour désigner des êtres, par exemple la "déesse" θέαινα [théaina][3]. Or, au niveau du basque, réputé ne pas présenter de marque du féminin, nous en avions identifié une trace obéissant à la règle indo-européenne : ASTO "âne" ASTAINA "ânesse" et E. ETCHAMENDY n’exclut pas d’autres exemples d’anciens « féminins » basques repérables par la terminaison AINA/ANA comme ITXAIN(A) "sangsue", terme issu de JEITZ(I) "sucer, traire". | |||||||||
Mais, en basque, on trouve [4] une autre forme de féminisation appliquée, cette fois-ci, aux noms de professions à l’aide du suffixe « -SA » : ARTZAIN “berger” ARTZAINSA “bergère” ; ERRIENT “instituteur” ERRIENTSA “institutrice” ; LABORARI “agriculteur” LABORARISA “agricultrice”. On a prétendu que le suffixe avait été emprunté au latin, mais un mécanisme voisin est tout autant utilisé par le grec comme dans les exemples suivants : βασίλεύς [basileús] “roi” βασίλισσα [basílissa] “reine”, ἱερεύς [hiereús] “prêtre” ἱερισσα (hierissa) “prêtresse” ! Il est également tentant de nous rapprocher du terme URRIXA/URRIZA désignant la “femelle” des animaux, mais usité en mauvaise part pour les humains. Il a pour synonyme EME que l’on retrouve parfois en suffixe de certains animaux femelles comme OTSEME “louve" [ OTSO "loup"]. Peut-être encore pure coïncidence ? Mais le radical EME est présent dans le français femelle ! | |||||||||
Enfin, comme personne ne doutera du caractère féminin de NESKA “jeune fille”, notons la comparaison possible du terme avec le grec νεῆνις [neanis] "jeune fille, jeune femme". | |||||||||
Détournement
malicieux d'un détail d'une œuvre qui n'a de grec que le
profil de la dame. Auteur : Antonio Canova (1757-1822) - Monument funéraire de Marie-Christine d'Autriche (1742-1798) |
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En résumé … | |||||||||
Il n’y a peut-être pas de genre féminin
dans la langue basque … du moins dans celle qui nous est parvenue,
mais on y trouve au minimum des traces et surtout plusieurs marques
de féminisation que l’on peut clairement rapprocher de
celles des langues indo-européennes. Et, avec une bonne dose de malice, nous remarquerons que la forme possessive euskarienne de AINA (l’une des marques de féminisation i.-e.) pourrait être AINAREN … ce qui commence à ressembler au grec [anḗr] "homme", lequel serait alors "(celui) de la femme" … dans la plus pure tradition matriarcale de la culture basque ! [5] |
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[0] Les mots "entre [ ]" donnent la prononciation des termes grecs (en bleu) à l'aide de l'alphabet phonétique international. Tous les autres mots "en bleu italique" sont également écrits à l'aide du même alphabet phonétique. | |||||||||
[1] Voir l’analyse très détaillée qui en est faite dans l’encyclopédie Wikipédia sous le LIEN Matriarcat basque. | |||||||||
[2] Quelques exemples : ὗς [huus] “porc” ὕαινα [huaina] “truie”, λέαινα [léaina] “lionne”, κάπραινα [kápraina] “chèvre”, φάλαινα [phálaina] “baleine” … | |||||||||
[3] Le suffixe de « féminisation » -aina,
symbolisé à l’échelle indo-européenne
par l’expression /*-nya/, apparaît aussi dans la plus vieille forme de sanskrit (védique) avec gna “femme, déesse”. |
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[4] En Soule notamment. Voir Dictionnaire de LHANDE. | |||||||||
[5] Autant dire que cette dernière saillie n’est absolument pas validée linguistiquement par Eñaut ETCHAMENDY ! |